Sans doute parce que Dionne Warwick peina, malgré ses efforts, à en faire un hit en 1964, peu d'artistes s'attaquèrent à "Any old time of the day", à l'exception de Sue Raney comme nous le savons tous depuis lundi, ce qui, pour un titre de Burt Bacharach, fut et reste encore fort inhabituel.
Quatre ans après sa création, la chanson apparaît cependant sur l'album "What's an uggams ?" de Leslie Uggams en 1968 et nous lui disons merci puisque voilà enfin l'occasion rêvée de parler un peu d'elle sur nos pages, ce qui n'est presque pas arrivé jusqu'à aujourd'hui.
Et si Uggams jouit d'une relative notoriété internationale aujourd'hui, à presque 80 ans, grâce à la série "Empire" ou aux deux "Deadpool", reconnaissons qu'avant cela et qu'en dehors des USA, son nom ne brilla pas en lettres de feu aux quatre coins de la planète. Alors que...
S'il y eut Lena Horne, puis Diahann Carroll et quelques années plus tard Diana Ross, Leslie Uggams fut certainement la chanteuse et actrice noire que les américains virent le plus à la télévision dans les années 50 et 60, et gageons que pour certains d'entre eux, ce fut même la première noire qu'ils y aperçurent.
Car enfant prodige de la chanson, Leslie y commença sa carrière à l'âge de 9 ans dans l'extrêmement populaire show (on ne comprend toujours pas pourquoi) "Sing along with Mitch Miller", une sorte de karaoke télévisé animé par un monsieur fort barbu.
Et loin de sombrer dans l'oubli une fois la puberté venue, Leslie remporta un Tony à Broadway, fut la première femme noire à avoir son propre show tv, créa un ouragan en épousant en 1965 son manager australien et blanc et traversa sereinement les années 70 grâce à la série "Roots". Et finalement, elle ne s'est jamais arrêtée depuis 60 ans.
Leslie Uggams est donc, elle-aussi, une institution. Mais revenons à "Any old time of the day" qui figure donc sur son 8e album, enregistré juste après son Tony pour la comédie musicale "Hallelujah baby" et qui propose 4 chansons de Burt Bacharach, en face A, à la suite, à commencer par "What the world needs now", tube pour Jackie DeShannon en 1965.
On imagine les conversations en studio et dans les bureaux du label : "Chérie tu es hip en ce moment donc on y va à fond avec Bacharach !". L'album n'ira nulle part et prouvera donc que pour faire un succès, il faut certes Burt mais sans doute autre chose aussi.
Mais ce qui est à la fois drôle et triste, donc un peu ironique, est qu'en face B de l'album, Leslie hérita d'une composition originale, signée de deux autres géants de la pop US des années 50 et 60, Jerry Leiber et Mike Stoller, en l'occurrence "Is that all there is", qui n'ira, elle non plus, nulle part, jusqu'à ce que, l'année d'après, Peggy Lee n'en fasse un numéro 1 et relance par la même occasion sa carrière.
Et l'ironie s'emballe lorsqu'on découvre que "Any old time of the day" sortit en face B de "Is that all there is", nous permettant une nouvelle fois d'écrire que lorsque ça ne veut pas, ça ne veut pas.
Quittons-nous donc plutôt sur un triomphe, LA chanson de "Hallelujah Baby" qui offrira un Tony à Leslie, aux accents relativement streisandien et dont le titre permet à l'ironie de tirer un bouquet final : "Etre bon, ce n'est pas assez". Franchement...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire