Le 27 mai 1949, les journalistes du monde entier se trouvent dans le sud de la France pour assister à l’évènement mondain de l'année : le mariage de Rita Hayworth et d'Ali Khan. Cette union, qui transforme la gentille ville de Vallauris en grand cirque, est la conclusion heureuse d'une relation qui, depuis qu'elle a commencé, alimente les commérages et la presse à scandale. Il faut dire que lorsqu'ils se rencontrent lors d'une fête à Cannes en 48, Rita est tout juste divorcée d'Orson Wells, elle est mère d'une petite fille née en 44, le prince de son côté est marié.
Tout s'arrange donc en cette fin du mois de mai sur la Riviera. Ali a divorcé. Rita est prête, d'autant qu'elle souhaite sérieusement arrêter le cinéma. Les futurs mariés arrivent à la mairie en Cadillac décapotable sous les hourras de la foule et des 300 photographes venus du monde entier. Ils mettront un certain temps pour regagner leur véhicule une fois les registres signés.
La fête qui suit est féerique. Elle se déroule dans la propriété du Prince, le "Château de l'horizon", acheté en 49 par Ali et à l'origine construit pour l'actrice britannique Maxine Elliott. A la surface de la piscine remplie pour l'occasion d'eau de Cologne flottent en fleurs les initiales des jeunes mariés (Rita se prénomme Margarita ce qui explique le "M").
On danse sous le soleil, face à la mer et on se régale de champagne et du gâteau crée pour l'occasion et qui, là encore, célèbre l'union de ceux qui sont ce jour là les mariés les plus célèbres du monde. Tout est suave. Raffiné. C'est l'extase.
Par ce mariage Rita Hayworth devient, non seulement princesse bien avant Grace Kelly, elle intègre surtout l'une des familles les plus puissantes du globe et il n'est donc pas surprenant que les noces se transforment en grand barnum médiatique alors que Rita les souhaitait au départ intimes et familiales.
Mais "la déesse de l'amour" est tout de même parvenue à conférer à la journée une touche de simplicité en choisissant comme tenue une robe de Jacques Fath en mousseline de soie bleue, qui va instantanément s'afficher en une de tous les magazines de la planète.
Disparu en 1954 à l'âge de 42 ans d'une leucémie, Jacques Fath n'a dirigé que pendant 17 ans sa maison de couture qui était de son vivant rivale de Dior ou Balmain. Il ne subsiste aujourd'hui que les parfums et les accessoires, même si l'annonce d'une relance de la marque resurgit de temps à autres.
Personnage emblématique de l'après-guerre, maître de Givenchy ou Guy Laroche, Fath était, plus que ses autres collègues, le couturier des stars, notamment d'Hollywood, sans doute en raison d'une collaboration dès la fin des années 30 avec une chaîne de distribution américaine. Sa vie était absolument suave : bals, premières, défilés, ainsi que subtilement scandaleuse. Il avait bien épousé un de ses mannequins qui lui donnera un fils, il n'en était pas moins l'amant de divers messieurs quand son épouse traînait plus vraisemblablement "Chez Moune".
Jacques Fath, son épouse et une robe sirène.
En tout cas en 1949, Jacques Fath est au sommet. On jalouse ses lignes pures ou parfois voluptueuses, ses fameuses robes sirène largement évasées, d'où le choc en découvrant cette petite chose toute bête en apparence qu'il a dessiné pour Rita, à peine plissée, simplement accessoirisée d'une ceinture.
Heureusement, Ali Khan se chargera de la rehausser d'un diamant dont les journaliste diront qu'il est "si gros que seul un haltérophile pourrait envisager de le porter toute une journée".
De l'autre côté de l'Atlantique, les responsables des grands magasins Macy's regardent avec intérêt cette robe qui est partout, simple mais si chic, flottant délicatement dans l'azur méditerranéen, une robe qui semble pouvoir être portée par n'importe quelle femme... un robe qui doit être portée par n'importe quelle femme !
Les droits de copyright étant un peu chancelants en cette fin des années 40, on demande donc sans scrupule à un tailleur de réaliser, à moindre frais, une copie acceptable de la chose et deux mois plus tard, le modèle est fin prêt.
A grand renfort de publicité, en juillet 1949, Macy's est fier d'annoncer à toutes les femmes qui le souhaitent, et elles seront nombreuses, que pour la modique somme de 18$74, elles peuvent se procurer en S, M, L et XL ainsi qu'en blanc, noir et bleu clair, cette robe qui les transformera en déesse d'Hollywood ainsi qu'en princesse des mille et une nuit.
Lancée simultanément dans toutes les succursales de la marque à travers les Etats-Unis, la robe suscite un tel intérêt que Life Magazine demande aussitôt un reportage sur les premières acheteuses, fébriles et impatientes. Voici le résultat :
Tant de Rita, d'un coup d'un seul, c'est un peu étourdissant. Inutile de dire que Jacques Fath ne touchera pas un centime sur la vente des copies et que la nouvelle princesse Khan ne sera jamais consultée sur un éventuel accord dans l'utilisation de son nom.
18$74 ! Ce n'est tout de même pas bien cher pour une déesse.
1 commentaire:
Merci pour ce si suave souvenir. Deux questions cependant :
1. Pourquoi une piscine remplie à l'eau de Cologne ? Craignait-on l'hygiène approximative de certains invités ?
2. A quand un "post" dédié à LA Bégum ? Ses sourires étaient si suaves qu'ils me manquent encore aujourd'hui.
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