En 1940, Don Ameche est ce qu'on peut appeler un homme comblé. Sous contrat avec la Fox depuis 1935, il a obtenu un vrai succès personnel en incarnant Graham Bell dans le biopic de Irving Cummings, à tel point que son nom est devenu synonyme de combiné et qu'il est devenu assez courant de déclarer "On te demande à l'Ameche" en lieu de "Il y a quelqu'un pour toi au téléphone".
Montrant dans "Alexander's ragtime band" aux côtés d'Alice Faye qu'il est également parfait dans les films musicaux, on vient de lui proposer la tête d'affiche de "Down Argentine way" avec la fantaisie du moment, Carmen Miranda et une chorus girl qui tente de percer depuis 10 ans, Betty Grable. Sa femme, épousée en 1932, vient de lui donner leur deuxième enfant. Il est respecté, aimé, confiant.
La liste qui tombe entre ses mains en 1940 va d'abord agréablement le surprendre. Il est fréquent que les studios, les exploitants ou les magazines établissent le classement des stars les plus populaires du moment et sur celle qu'il observe avec un certain sourire, Don Ameche découvre qu'il est en troisième position, place d'autant plus étonnante qu'il apparaît juste derrière les deux plus belles créatures aperçues sur un écran : Robert Taylor et Tyrone Power, devançant le juvénile Mickey Rooney.
Serait-il donc encore plus apprécié qu'il l'imagine ? Il faudra beaucoup de diplomatie à Tyrone Power pour expliquer à Don Ameche qu'effectivement il est très aimé mais surtout que ce hit-parade ne désigne pas les acteurs les plus demandés par le public mais les stars faisant le plus fantasmer la communauté homosexuelle de Los Angeles. Et s'il arrive en troisième position, c'est surtout dans les bordels gay de Sunset Boulevard.
Depuis la fin des années 20, Hollywood est l'heureux refuge de bordels pas tous fréquentables, qui survivent en payant en pot-de-vin la police locale. Certains établissements haut de gamme se démarquent en proposant aux clients des sosies de star. Pour une sommes certaine, le rêve d'une vie peut être exaucé et on n'imagine pas ce que Joan Crawford ou Jean Harlow peuvent faire pour 50 dollars. Mais ceci n'est pas un mystère pour les amateurs de James Ellroy et les fans de "LA Confidential".
Si la plus célèbre maison close est incontestablement "The House of Francis", tenue par Lee Francis sur Sunset Boulevard, la plus discrète se trouve à quelques rues de la première, une façade très "Autant en emporte le vent" abritant "Mae's house", le bordel officieux de la MGM, alimenté par les innombrables starlettes en fin de contrat incapables de rentrer dans leur Idaho natal après l'échec de leurs rêves de cinéma.
The House of Francis sur Sunset.
Il existe peu d'archives sur l'équivalent masculin de ces maisons de passe parfois luxueuses dans lesquelles Irving Thalberg pouvait se contenter de prendre un verre au bar pendant que les executives de New-York disparaissaient dans les chambres. La prostitution restait un délit et l'homosexualité étant passible d'un emprisonnement immédiat, il valait mieux être d'une discrétion absolue.
Subsistent cependant ces fameuses listes, dressées à partir de questionnaires fournis aux clients réguliers qui montrent les goûts de l'époque (on réclame des sosies de Mickey Rooney dans les bordels gays alors que Shirley Temple (?!) est la plus demandée dans les hétéros) ainsi que quelques témoignages. Lorsqu'elle écrira son autobiographie en 1965, Lee Francis sera plutôt discrète sur l'identité de ses plus célèbres clients. A peine lâchera-t-elle que Clark Gable était très gourmand. Billie Bennett, tenancière de "Mae's house" expliquera pour sa part que James Stewart passa chez elle un test d'hétérosexualité exigé par Louis B. Mayer. Et c'est tout.
Si une certaine curiosité naturelle nous pousse à regretter cette règle d'or du silence, c'est malheureusement la tradition. Lorsque éclatera en 1993 le scandale Heidi Fleiss, la nouvelle madame d'Hollywood, le seul nom qui paraîtra dans les médias sera celui de Charlie Sheen et uniquement parce qu'il le veut bien. Heidi Fleiss deviendra une célébrité dont l'histoire sera racontée dans un livre puis un téléfilm, mais ce n'est pas nouveau.
La mère maquerelle la plus célèbre de la côte Est, Polly Adler, avait déjà eu son heure de gloire en 1964 lorsque ses mémoires devinrent un film avec Shelley Winters dans son rôle, "A house is not a home", avec Robert Taylor, favori des établissements gay et Cesar Romero, client régulier de Scottie's Gas Station, fausse station service vrai bordel qui fournissait à la fois en jeunes étalons George Cukor et Vivien Leigh dans les années 50.
Demandant après un arrêt cardiaque momentané ce qui pouvait bien, en lui, rendre fous de désir les gays d'Hollywood, on répondit à Don Ameche que ce devait être la moustache. C'est rasé de près qu'il apparaîtra en 1943 dans "Le Ciel peut attendre" de Lubitsch.
5 commentaires:
Des posts comme celui-là sont très jouissifs. C'est un vrai régal... Ca c'est du potin, ça c'est du ragot. J'adore. Je suis en ce moment en plein J. Ellroy. Continuez, allez-y, fouillez dans LA Confidential et Hollywood Babylone...
Ravi que cela vous plaise Baron. Et c'est toujours un grand plaisir de vous croiser ici. Comment se déroule le sevrage blog ???
j'ai craqué!! le 22 ''le petit monde de charlus80'' sera opérationnel!!
Pauvre Jimmy... Avoir dû tremper son biscuit après avoir partagé son thé avec Henry Fonda ! La vie est parfois cruelle.
Et la légende veut qu'il le fit par trois fois la même nuit Divine...
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