Eh bien ! Eh bien ! Eh bien ! Que d'agitation pour une demi-jambe, comme on dit dans le monde merveilleux de l'épilation, une cheville, un mollet et la naissance d'un genou qui appartenaient bien à Zizi Jeanmaire dans "Anything goes", une de ses rares incursions à Hollywood lorsqu'elle se prénommait encore Renée et que les américains préféraient Jeanmaire.
Kranzler, vous qui n'êtes jamais très loin des Quizz, voyez cette semaine votre nom en noir sur gris et recevez comme il se doit nos félicitations et nos remerciements pour avoir mis fin à ce qui pouvait devenir un suspense insupportable. Bravo et donc merci !
Production Paramount de 1956 réalisée par Robert Lewis qui avait pourtant fort à faire entre sa carrière d'acteur mais surtout celle de metteur en scène à Broadway ("Brigadoon") et de créateur de l'Actor Studio, "Anything goes" incarne par bien des aspects ce que furent les dernières comédies musicales de l'âge d'or hollywoodien : des tentatives un rien désespérées de prolonger une magie qui s'était déjà envolée depuis quelques années.
Si jusqu'au début des années 50, ils suffisaient aux studios de réunir de grands talents afin qu'ils donnent naissance à un spectacle inoubliable (pensons MGM et "Chantons sous la pluie" par exemple), à partir du milieu de la décennie, l'impression qui domine est davantage celle d'une sorte de cuisine du placard : voyons ce que nous avons en stock et comment tout cela peut s'organiser.
"Anything goes" propose donc des chansons de Cole Porter mais pas que et pas non plus le livret du spectacle original de Broadway, un crooner, Bing Crosby donc des chansons un peu molles, un joyeux comédien danseur, Donald O'Connor donc des numéros sautillants et deux danseuses averties, donc des solos tout en jambe.
On pouvait raisonnablement penser que la Paramount ne se ferait pourtant pas prendre deux fois au même piège puisque déjà en 1936 et déjà avec Bing Crosby, le studio s'était essayé à une transposition sur grand écran de la comédie musicale de Cole Porter qui avait été un triomphe à Broadway lors de sa création en 1934.
Les paroles de Cole Porter étant parfois un peu trop sophistiquées et souvent un peu trop provocatrices, de nombreux lyrics avaient alors été modifiés, certaines chansons purement et simplement coupées, ce qui avait amené les critiques à proclamer que le film n'avait aucun intérêt, si ce n'est de pouvoir voir sur grand écran Ethel Merman qui avait eu, pour une fois, la possibilité de reprendre son rôle au cinéma.
On est donc parfois un peu sot à Hollywood. Le film de 1956 est tout autant anecdotique que celui de 1936 et c'est donc sur scène qu'il convient d'aller fredonner "You're the top", "I get a kick out of you" ou évidemment "Anything goes". Nous avons vérifié : absolument toutes les reprises sur scène du show furent des triomphes, en 1987 avec Patti LuPone, en 2011 avec Sutton Foster (qui repartit avec un Tony) et même à Londres en 1935, le spectacle qui permit aux britanniques de faire la connaissance de la française Jeanne Aubert, immortelle créatrice par ailleurs de "Mon cul sur la commode", une amie.
Ah, on nous signale un autre échec : la version télévisée de 1954 avec Ethel Merman, encore elle, et Frank Sinatra, qui fut un cauchemar de production tant les deux stars se détestèrent durant le tournage.
Mais Zizi dans tout cela ? Sa présence au générique du film Paramount s'explique par son séjour alors à Los Angeles et la tentative d'une carrière américaine, commencée grâce à Howard Hugues en 1952 pour "Hans Christian Andersen et la danseuse", la comédie musicale à Broadway "The girl in pink tights" et le succès d'une certaine Leslie Caron, sous contrat avec la MGM et qui prouvait que le public pouvait aimer une jeune femme au cheveux très courts avec une prédilection pour les pointes.
Ajoutons que Roland Petit, responsable de la carrière de Leslie Caron, était depuis 54 l'époux de Zizi et un chorégraphe très en demande à Hollywood. Il était donc sans doute plus pratique de travailler au même endroit. Comprenant finalement que la capitale du cinéma n'avait pas grand chose à leur offrir, Zizi et Roland rentrèrent en France avec le succès que l'on sait.
L'Amérique connut donc une courte période de "folie Jeanmaire" : couvertures de magazines, enregistrements de disques, premières, reportages et publicités, qui prouvaient que, comme toute danseuse et sportive de haut niveau qui se respecte, Zizi choisissait avec attention ses cigarettes. Elle revint occasionnellement aux USA avec ses propres shows, chorégraphiés, évidemment, par Roland Petit et lors d'une reprise de "Cancan" sur scène en 1981.
Mais alors que nous nous demandons comment va Zizi à l'approche de ses 96 ans, deux petites choses rigolotes. En épluchant le programme de "The girl in Pink tights", créé à Broadway en 1954, nous avons découvert dans la distribution deux noms qui allaient être fort connus : le jeune Gregory Hines et la soprano Marni Nixon, future voix de Natalie Wood dans "West side story" et de Audrey Hepburn dans "My fair lady".
Et en déroulant le fil des reprises de "Anything goes" sur scène, nous sommes tombés sur une production datant de 1969, à Londres, avec dans le rôle féminin principal notre très chère amie Marion/Marian Montgomery.
Et tout cela est fou, non ?
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