En avril 1966, Burt Bacharach est un peu nerveux. Depuis quelques années sa vie a pris un tour nouveau : il est passé de pianiste accompagnateur à compositeur de génie. Après avoir travaillé pour Vic Damone ou Marlene Dietrich, il aligne les hits en compagnie de son parolier Hal David. En 1966 Burt Bacharach est une star, non seulement aux USA mais surtout en Angleterre qui a été le premier pays à lui offrir des numéros 1.
Régnant sur la musique pop, Burt, qui a épousé en 1965 l'autre célèbre paire de jambes après Marlene qu'est Angie Dickinson, est tenté de s'attaquer à Hollywood où il n'y a pas de raison que ses chansons n'y rencontrent pas le même succès qu'à la radio. Après une première tentative au succès modéré que fut la bande originale de "The blob", Burt vient de signer la musique d'une production du nom de "What's new pussycat" dont le titre est rapidement devenu numéro 3 des charts US. Ce sera le plus gros succès de Tom Jones et cela donne évidemment ceci :
En avril 1966, Burt se rend très angoissé à la cérémonie des Oscars où son petit chaton est en compétition pour recevoir la statuette de la meilleure chanson originale. Les Oscars étant ce qu'ils sont, on a demandé à des célébrités d'interpréter les titres concurrents et c'est Liza Minnelli (???) qui demande en direct des nouvelles de Pussycat.
A l'issue d'un affrontement fort ironique, la statuette ira à la chanson titre de "The Sandpiper", curiosité minnellienne avec Liz Taylor et Richard Burton, plus connue sous le titre "The shadow of your smile". Rappelons à cet instant à nos suaves visiteurs qui ne seraient pas ornithologues que le chevalier des sables est un petit oiseau qui vient donc de ridiculiser le matou de Burt. Fin du premier round.
Un an plus tard, Burt est de retour à la cérémonie des Oscars avec un nouvel espoir : "Alfie", composé pour le film du même nom et qu'on entend partout chanté par Dionne Warwick. Cette fois-ci, Burt frôle la dépression nerveuse, tant il estime que sa chanson n'a aucune chance.
Il faut dire que l'histoire entourant "Alfie" est littéralement rocambolesque. Les producteurs de ce film britannique souhaitant une chanteuse anglaise, on demanda donc à Cilla Black de l'interpréter et la chanson passa inaperçue. Pour la sortie américaine, on fit rapidement enregistrer le titre à Cher, qu'on entend donc au générique de fin, pendant que Dionne Warwick entrait en studio. Sa version grimpa à la 15e place quand Cher stagnait à la 32e. Tout cela était bien compliqué et l'Oscar fut remis à la chanson titre de "Vivre libre", composée par John Barry. C'était cette fois un gros lion qui abattait Burt. Fin du deuxième round.
En 1968 et donc pour la troisième année consécutive, Burt Bacharach est de nouveau nommé dans la catégorie de la meilleure chanson avec "The look of love", tirée du film "Casino Royale" qui vient d'obtenir un succès certain. Dusty Springfield, qui confirme la relation privilégiée de Bacharach avec les britanniques, est en train d'en faire un très gros succès, même si ce n'est pas totalement du goût de Burt.
Dusty en a, en effet, réenregistré une version un peu différente de celle arrangée pour le film. Les spectateurs peuvent donc être un peu déroutés puisque ce n'est pas exactement la même chose qu'on entend dans les salles et à la radio mais tout cela n'est pas très grave.
Cela n'est pas grave car, contre toute attente, "The look of love" est en train de devenir un succès encore plus phénoménal chanté par Sergio Mendes et Brasil 66, qui est, en cette fin des années 60, l'un des plus gros vendeurs de disques du continent nord-américain. C'est ben simple, tout ce qu'enregistre Sergio (les Beatles, des brésiliens, des succès de Broadway) devient un hit et ce n'est pas pour rien que ce sont Mendes et les Brasil 66 qui viennent chanter "The look of love" aux Oscars.
La participation du compositeur brésilien à la cérémonie va asseoir considérablement sa popularité et permettre de faire découvrir aux téléspectateurs la beauté sidérantes de ses chanteuses dont nous reparlerons prochainement. Mais, Burt Bacharach ne combat pas ce soir là un charmant volatile ou un énorme félin : c'est à la faune toute entière qu'il fait face. L'Oscar est remis à la chanson titre de "Docteur Doolittle" et cela donne ceci :
Fin du troisième round. Dans de nombreuses interviews, Burt Bacharach expliquera que ses trois défaites en trois ans vont profondément l'affecter et motiver en partie son absence de la 41e cérémonie des Oscars. En 1968, Bacharach se tint aussi éloigné qu'il le put de Hollywood et sans doute du moindre animal.
Les belles histoires étant encore plus belles lorsqu'elles ont une fin heureuse, en 1970, Burt était de retour aux Oscars et à Hollywood avec la bande originale de "Butch Cassidy et le kid" dont personne n'a oublié une formidable promenade à vélo avec en fond, "Raindrops keep fallin' on my head"/"Toute la pluie tombe sur moi" si vous préférez Sacha Distel. Cette quatrième tentative fut la bonne : Burt décrocha enfin un Oscar. Champagne !
Une fois lancé, Burt ne s'arrêta pas et remporta un second Oscar en 1981 pour le thème de "Arthur", chanté par Christopher Cross. Entre temps cependant, il avait connu le pire échec de sa carrière avec la bande originale de "Horizons perdus", s'était brouillé avec Hal David et avait affronté au tribunal Dionne Warwick pour de sombres histoires de royalties.
Mais nous supposons qu'au milieu de tous ces tourments, il s'était réconcilié avec la gent animale. Lorsqu'il décrocha enfin la précieuse statuette en 1970, ce fut en battant un concurrent en particulier, la chanson "Come saturday morning" à laquelle nous avions consacré des mp3 du weekend ici-même. Ce titre était tiré du film "The Sterile Cuckoo" que nous traduirons sauvagement par "Le coucou stérile". Fair-play la victoire ? Mouais...
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