En 1966, Sergio Mendes est un peu circonspect. Prodige de la guitare et apôtre de la bossa nova, il a connu des débuts fulgurants, enregistrant rapidement avec de vénérables noms tels que Jobim ou Cannonball Adderley. Les tournées auxquelles il a participé l'ont promené pratiquement aux quatre coins du monde et notamment aux Etats-Unis où il a décidé, en 1964, de s'installer.
Sergio Mendes s'y connait en musique et pensait également maîtriser l’ancêtre du marketing. Conscient qu'un trio jazz-bossa-samba n'est pas suffisant pour déclencher l'hystérie du public et des ventes, il s'était adjoint les services d'une chanteuse, la très jeune Wanda Sa ou Sah ou de Sah et avait crée un groupe, le Brasil 65, qui avait vraiment tout pour être un succès.
Malheur : bien qu'ils aient été les premiers à enregistrer le désormais classique "So nice" de Marco Valle, les ventes ne décollent pas et Sergio s'interroge.
Tout en continuant d'enregistrer avec Wanda, Mendes promène sa formation à travers les Etats-Unis, ce qui le conduit en 1966 à se produire à Chicago où se produit également une jeune chanteuse locale, Lani Hall. L'histoire prétend qu'un soir, Mendes est dans la salle, Lani commence son tour de chant, Sergio est conquis. En une nuit, la décision est prise de laisser Wanda et de mettre un terme à Brasil 65. Nous sommes en 1966, Brasil 66 vient de naître.
Le changement de chiffre n'est pas qu'anecdotique, il est déterminant. Non seulement Mendes a trouvé une nouvelle chanteuse mais il a surtout signé sur un nouveau label, la firme A&M de Herb Alpert, le roi Midas de la musique en cette fin des années 60. Alpert va appliquer à la nouvelle formation de Sergio la recette qui a fait le succès de son Tijuana Brass : des tubes du moment revisités avec un twist exotique, le Mexique pour le Tijuana Brass, le Brésil pour Brasil 66.
Dès le premier album, le succès est immense, grâce notamment à la reprise d'une chanson de Jorge Ben qui date de 1963 : "Mas que nada".
Et c'est à partir de ce moment que commence l'histoire du dimanche. La voix que l'on entend sur "Mas que nada", premier tube mondial de Mendes est celle de Lani Hall, qui, comme on peut le lire un peu partout, dut apprendre les paroles en portugais phonétiquement. On est assez peu lusitaniens à Chicago.
Si vous observez attentivement la pochette de l'album dont est tiré "Mas que nada", vous pouvez distinguer Lani en robe orange, alors que dans son dos se tient une autre brune un peu boudeuse. Devant les caméras du show Eartha Kitt de 1967, elle a été remplacée par une rousse qui a décidé de fêter Noël un peu avance. Les boules bleues sont portées par Janis Hansen, la brune s'appelait Bibi Vogel et a quitté le groupe peu avant la sortie du disque. C'est le début d'un imbroglio de chanteuses d'une suavité rare.
Si Janis Hansen a retrouvé la position qui lui revenait sur le 45 tours de "Mas que nada", on ne peut pas dire qu'elle occupe pourtant une place à part entière entière au sein de Brasil 66 dont, en gros, toutes les chansons sont enregistrées par Lani Hall dont Mendes double ou triple systématiquement la voix. Voilà d'où vient cette impression aérienne dans les choeurs et les harmonies : c'est en fait la même personne qui chante, Janis étant là, dit-on, pour la touche mini-jupe qui passe si bien à la télévision.
Relativisons cependant : Janis eut tout de même son heure de gloire. C'est elle qui chante "The look of love", le titre qui va propulser Sergio Mendes et le Brasil 66 en orbite.
En deux ans, de 1966 à 1968, Sergio Mendes va incontestablement devenir le brésilien le plus célèbre de la planète et la voix de Lani Hall la voix la plus entendue à travers le monde. Sans doute parce qu'elle joue les utilités, en 1968, Janis Hansen quitte le groupe pour former, avec d'ailleurs des dissidents du Brasil 66 la formation "The Carnival", qui va affronter Mendes sur son propre terrain.
La même année, "The Carnival" et Sergio Mendes et Brasil 66, qui a entre temps recruté une nouvelle chanteuse, clone de Janis, Karen Philipp, enregistrent la même chanson.
"The Carnival" n'enregistrera qu'un album, après quoi Janis Hansen deviendra la voix des publicités Ford. Elle est aujourd'hui à la tête d'une société qui produit des adaptations de la Bible pour les enfants.
Que les blondes ou les rousses se succèdent n’entache en rien l’enthousiasme de Mendes, tant que Lani Hall est toujours là. Elle reste la voix du Brasil 66, qui continue d'ailleurs de vendre et d'être très 66 alors que les années passent. Cela ne pouvait évidemment pas durer. Mendes va prendre comme une trahison le mariage de Lani avec Herb Alpert et surtout sa décision de quitter le groupe. En 1971 le divorce est officiel.
Lorsqu'elles changent de vie, certaines femmes changent de lunettes ou de coupe de cheveux. Sergio Mendes, lui, préférera changer de décennie. Brasil 66 devient Brasil 77 en 1971, dont les parties chantées seront désormais assurées par Gracinha Leporace (future madame Mendes) et Karen Philipp mais qui après un album, partira jouer dans deux épisodes de M.A.S.H et poser pour Playboy.
Le départ de Karen conduira Mendes à engager une nouvelle chanteuse, Bonnie Bowder et transformer Brasil 77 en New Brasil 77. Désormais Mendes est moins Brasil, il est totalement ballades et absolument Stevie Wonder ce qui n'est jamais un mauvais choix.
Avouons qu'après 1977, nous sommes un peu perdus et que la valse des chanteuses sera si cadencée que nous ne savons plus trop qui chante quoi, sur quel album et surtout qui est qui. Sergio a désormais deux ou trois chanteuses, sa femme est là puis disparaît.
Ce dont nous sommes certains, c'est qu'après un grand passage à vide, Mendes retrouvera le succès en retrouvant d'ailleurs Herb Alpert en 1983 et en prenant soin de choisir désormais une voix masculine. Pas que. Mais tout de même présente.
Parce qu'une fin heureuse est toujours satisfaisante, en 1986, Sergio Mendes pardonnera à Lani Hall, l'invitera sur son album Brasil 86 (notons la constance dans le choix des intitulés) et produira même ce pourquoi elle continue de briller dans l’inconscient collectif, la chanson titre du James Bond "Jamais plus jamais", considérée comme la pire jamais enregistrée pour des aventures de 007.
Cela est finalement une métaphore de ce que sont généralement les retrouvailles d'anciens amis : excitante quand on y pense mais souvent décevante. L'essentiel reste malgré tout se retrouver. Non ?
1 commentaire:
Allons bon ?! J'ai toujours entendu dire que c'était le " Die Another Day" de Madonna qui avait décroché ce pompon-là ?! Quoi qu'il en soit, elle a un joli brin de voix bien pêchu, la dame !
Pruneauxyz.
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