Aussi anecdotique que soit la chanson "Civilization" de Bob Hilliard et Carl Sigman, lorsque nous écrivions hier que tout le monde va l'enregistrer en 1947, ce n'était pas une vue de l'esprit. Car en plus de Louis Prima et des Andrews Sisters, qui vont classer le titre dans le top 10 à quelques semaines d'intervalles, 3 autres artistes vont hisser le même mois la chanson au sommet des hit-parade : Jack Smith, Ray McKinley et Woody Herman, tous en décembre 47.
Et c'est sans compter les artistes qui l'enregistrent sans en vendre des millions, l'intègrent à leur tour de chant ou surfent sur sa popularité en la reprenant à la radio, à l'image de Frank Sinatra ci-dessus ou de Bing Crosby ci dessous, faisant de "Bongo Bongo Bongo" le premier titre qui unira les deux crooners rivaux, l'ancien et le nouveau, le classique et le moderne, avant que Cole Porter et Charles Walters s'en chargent dans "Haute Société" en 1956.
Le cas le plus amusant concernant "Civilization" est certainement ce qui arriva à la jeune Elaine Stritch, qui cherche désespérément à faire carrière en 1947 (patience Elaine, patience). Auditions après auditions, elle finit par décrocher son premier rôle à Broadway dans la revue que montent Bob Hilliard et Carl Sigman et hérite d'une chanson, une seule : "Civilization", que les deux auteurs ont décidé de recycler devant son succès.
Comme la plupart des revues, "Angel in the wings" n'est supposée durer que quelques semaines mais grâce à "Bongo Bongo Bongo", elle tiendra l'affiche un an, condamnant chaque soir Elaine Stritch à expliquer qu'elle ne veut pas quitter le Congo. Elle a 22 ans et sa carrière est lancée.
Et ce n'est qu'en 1977, soit 30 ans plus tard qu'Elaine va avoir l'occasion pour la première fois de graver sur disque "Civilization", à l'occasion d'un des merveilleux albums produits par Ben Bagley, producteur de revues qui, à partir de 1960, va passer l'essentiel de son temps à produire des albums consacrés uniquement aux obscures chansons de compositeurs célèbres de Broadway et à les faire interpréter par des célébrités du moment.
Chantée à 22 ans, enregistrée à 52, la chanson "Civilization" va poursuivre Elaine Stritch jusqu'en 2002 puisque, à l'âge de 77 ans, Elaine va enfin avoir son propre spectacle, un seul en scène, "Elaine Stritch at Liberty" qui va être son plus grand triomphe et donner naissance à une cinquième ou sixième carrière, qui ne s'arrêtera qu'avec sa mort en 2014 à 89 ans.
Revisitant sa vie et sa carrière, Elaine Stritch ne pouvait pas ne pas évoquer "Civilization" qui lui ouvrit les portes de Broadway. Et comme toujours avec elle, c'est too much et c'est formidable. Et pour aller directement au passage où elle évoque cette aventure, glissez jusqu'à 29m20s, ou regardez le show en intégralité, c'est les vacances après-tout, non ?
1 commentaire:
Too much et formidable, c'est un peu votre devise, non ?
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