Si nous observons la carrière de "Bei mir bist du schön" avec un peu de distance, n'est-il pas étonnant qu'en 1938, la chanson de l'année ait proposé un refrain en allemand, qui plus est associé à une déclaration d'amour ? Car c'est exactement ce que raconte ce titre, de façon encore plus claire, interprétée dès 1938, par Leo Marjane, sur des paroles de Jacques Larue, alias le roi des adaptations, qui nous laisse ici un peu perplexes.
Ils s'aiment, ils ne parlent pas la même langue, aussi elle lui déclare sa flamme de façon à ce qu'il puisse la comprendre : "Bei mir bist du schön". Leo aime donc un allemand. Mais elle ajoute qu'elle ne connait pas de plus beau poème que cette phrase de son pays : "Bei mir bist du schön". Leo est donc allemande ?
Tournons-nous, pour en savoir plus, vers Rika Zarai, qu'on imagine un peu moins aimer un berlinois (mais après tout, qu'en savons-nous ?), et qu'on peut supposer faire ici allusion aux origines yiddish de la chanson.
"Bei mir bist du schön" serait donc une déclaration d'amour à un monsieur originaire d'Europe centrale. Mais Annie Cordy nous confirme-t-elle cette hypothèse ?
Hélas hélas hélas, trois fois hélas, Annie chante en anglais et ne fait donc que proclamer qu'elle est polyglotte et que l'allemand est la meilleure façon de déclarer son amour, quant elle aurait pu choisir "bella bella" si elle avait été italienne. Ce qui n'est pas plus clair si vous voulez notre avis.
Chantée dans toutes les langues, et ce juste avant la deuxième guerre mondiale, "Bei mir bist du schön" va permettre à la planète de connaître au moins un adjektiv en allemand, qu'il sera néanmoins difficile de placer dans une conversation, à moins d'être tenté par un peu de collaboration, une fois l'Europe occupée par les Nazis.
Et il se trouve qu'en Allemagne, la chanson ne va connaître aucune carrière, interdite de diffusion dès lors que Goebbels décidera de proscrire tout ce qui pouvait provenir d'artistes juifs. Mais devant le succès phénoménal et international du titre, une version sera enregistrée en changeant les paroles originales et en la transformant en hymne antibolchévique, interprété en anglais par le groupe swing nazi (si si) Charlie and his orchestra.
Enregistrée uniquement à partir de 1946, comme ci-dessus par Margot Friedländer, la chanteuse, pas la survivante de l'Holocauste, "Bei mir bist du schön" va enfin se répandre en Allemagne, en anglais. Mais c'était déjà un peu tard.
Puisque dès 1938, une étoile suédoise qui allait bientôt devenir une étoile berlinoise l'avait ajoutée à son répertoire et avait ainsi permis à la chanson de remonter jusqu'à Berlin. Ne parlons-nous pas de Zarah Leander ? Mais si. Comme c'est étrange...
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