dimanche 27 novembre 2011

Les très suaves heures de l'histoire contemporaine : le jour où Ethel et Ernest se dirent "oui".


Le 27 juin 1964 eut lieu à Beverly Hills un mariage qui est encore aujourd'hui dans la liste des unions les plus courtes de l'histoire puisqu'il s'acheva 32 jours plus tard : celui d'Ethel Merman et d'Ernest Borgnine. S'il est toujours flatteur de figurer dans un top 10, celui-ci eut de quoi réjouir les intéressés puisqu'il se plaça aussitôt et également dans le classement des mariages les plus improbables car, vraiment ? La star de Broadway qu'on prétendait lesbienne et l'ancien marin de la US Navy oscarisé ? Avaient-ils bu ?

En annonçant à la presse à Noël 63, tout juste un mois après s'être rencontrés, qu'ils avaient l'intention de convoler, Ethel Merman et Ernest Borgnine semblaient pourtant sobres. Ravis, peut-être transfigurés par le bonheur mais sobres.


Née Ethel Zimmermann en 1908 avec un nom très judaïque dans une famille pourtant avec ferveur épiscopalienne, Ethel Merman était en 1963 un monument de Broadway dont la carrière avait débuté dans "Girl Crazy" des Gerschwin en 1930 qui avait fait d'elle une star en une nuit. Tête d'affiche depuis, son curriculum était un résumé de l'histoire de la musique populaire américaine : 5 comédies musicales de Cole Porter, des shows d'Irving Berlin, de Jule Styne et Sondheim.

Si on peut s'étonner que sa voix tonitruante séduisit d'aussi suaves et sophistiqués compositeurs, elle était l'idole des directeurs de théâtre : jamais malade, ponctuelle, capable d'assurer les 8 représentations hebdomadaires d'un spectacle sans faiblir. Jurant comme une charretière et avouant ne jamais avoir lu un seul livre de sa vie, elle s'était déjà mariée 3 fois et avait deux enfants qu'on ne voyait jamais.

Ethel et son mari n° 3 le très chic président de la Continental.

Ernest Borgnine, né en 1917, était devenu acteur suite à la suggestion de sa mama italienne qui le voyait un peu désoeuvré après 10 années passées dans la marine. Il est l'incarnation du fait qu'il faille toujours suivre les conseils de sa mère puisqu'en 1947, il explosait sur scène dans "La ménagerie de verre" de Tennessee Williams et remportait un oscar en 55 pour "Marty".

Séparé de sa première épouse et mère de son premier enfant, il avait épousé en secondes noces l'actrice mexicaine Katy Jurado rencontrée sur le tournage de "L'or du Hollandais", un mariage tumultueux et fortement alcoolisé qui fit les délices de la presse pendant 4 ans.

Un verre ça va...

Ethel et Ernest n'étaient donc pas des perdreaux de l'année lorsqu'ils furent présentés l'un à l'autre au cours d'un dîner fin novembre 1963, une soirée qui, pour Merman, n'aurait certainement pas débouché sur une histoire d'amour si Borgnine n'avait été persuadé, ce soir-là, d'avoir rencontré sa prochaine épouse. Que vit Ernest en Ethel qu'Ethel ne vit pas immédiatement en Ernest : le mystère reste entier. Après trois semaines d'une cour acharnée, il fit sa demande qu'elle accepta, ajoutant plus tard qu'elle fut la première surprise de s'entendre dire "oui".

Et c'est ainsi que 6 mois plus tard en raison d'agendas chargés et surtout d'un divorce d'avec Katy Jurado un peu compliqué, le couple pouvait enfin se lancer dans la vie maritale, une cérémonie qui eut lieu dans le jardin de la propriété d'Ernest en Californie en compagnie d'amis fidèles, d'un photographe de Life magazine et d'une robe jaune avec bibi coordonné.






Selon ses biographes officiels, des nuages noirs obscurcirent les rapports entre le mari et sa femme dès la cérémonie lorsque, pressée par ses invités de pousser la chansonnette, Ethel grimaça en entendant son époux surenchérir à la demande en ajoutant "Vas-y mon bébé, en plus je ne t'ai jamais entendu chanter". Elle venait d'épouser le seul américain ne connaissant pas sa voix, ce qui aurait pu être flatteur, après tout il l'aimait pour elle et non son organe.

Bizarrement, cela ne le fut pas pour Ethel qui commença à se demander à qui elle venait de s'unir. Si les versions divergent sur ce qui suivit, une chose est certaine : partant quelques jours plus tard pour Hawaï puis Tokyo en lune de miel, Ethel et Ernest furent de retour 10 jours plus tard. Il ne s'adressaient plus la parole, cohabitèrent cependant une semaine puis se rendirent chez le juge. Le divorce, annoncé dès août, fut prononcé en décembre pour incompatibilité d'humeurs. Entre temps ils avaient pu renvoyer les cadeaux de mariage.



Si la séparation d'Ethel et Ernest fit autant parler que leur mariage, c'est en partie en raison du silence absolu des deux intéressés sur le sujet qui donna naissance à de nombreuses suppositions afin d'expliquer l'échec de la relation. Les documents officiels mentionnaient le refus par Ernest de se séparer d'une femme de ménage qui déplaisait à Ethel, on parla rapidement d'une bataille d’ego, Ethel ayant plutôt mal vécu son anonymat au Japon quand son mari était reçu comme une star.

Le personnage d'Helen Lawson interprété par Susan Hayward dans "La vallée des poupées" ayant été calqué par Jacqueline Susann sur la personnalité de Merman, on comprend aisément que celle-ci n'ait pas apprécié de n'être soudain plus en tête d'affiche. On évoqua d'impossibles problèmes de flatulences pour Ernest, peut-être doublés d'une mollesse ne favorisant pas la consommation du mariage. Ethel, de son côté fut prétendue incapable de faire quoi que ce soit sans téléphoner d'abord à ses parents. Pas très suave, à la différence de ce que fit Ethel dans son autobiographie pour le chapitre consacré à son mariage avec Ernest : une page blanche.


Ethel Merman ne se remaria jamais plus, avouant quelques années plus tard lors d'une interview que son dernier mariage l'avait vacciné des hommes pour toujours. Elle consacra la fin de sa carrière à promouvoir sa propre légende, reprenant "Annie get your gun", "Gypsy" ou "Call me madam" et acceptant enfin d'être Dolly Levy dans "Hello Dolly", show qu'elle avait refusé alors qu'il avait été écrit pour elle. En 1979 elle enregistra un légendaire album disco. Elle disparut en 1984 des suites d'une tumeur au cerveau.

Toujours vif à plus de 94 ans, Ernest Borgnine trouva enfin la félicité en épousant en 1973 la créatrice d'une ligne de produits cosmétiques avec laquelle il coule toujours des jours heureux. En 2008, lors de la parution de son autobiographie pour laquelle il accorda de nombreuses interviews, on l'interrogea évidemment sur sa courte union avec Ethel. Il répéta ce qu'il avait déjà laissé entendre à savoir que, marié précipitamment, il n'avait réalisé que trop tard qu'il avait épousé un monstre d'égocentrisme.

Il ajouta cependant qu'il survécut à cet échec et aux nombreux déboires de sa vie sentimentale en s'adonnant régulièrement à la masturbation. Et c'est une trop parfaite phrase de conclusion pour que nous imaginions ajouter autre chose. Quelle leçon !


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