dimanche 13 novembre 2011

Les très suaves heures de l'histoire contemporaine : le jour où Barbra Streisand commit involontairement un quadruple homicide.


Lorsqu'en mars 1964, la comédie musicale de Isobel Lennart, Bob Merrill et Jule Styne, "Funny girl", débuta à Broadway, personne ne pouvait soupçonner, non seulement qu'elle serait un triomphe (les deux mois de previews en province avaient été catastrophiques) mais surtout qu'elle ferait de Barbra Streisand, tout juste 21 ans, le phénomène de la décennie.


Bien sûr Barbra existait avant "Funny girl", sa première prestation à Broadway dans "I can get it for you wholesale" en 62 lui avait déjà valu une nomination au Tony de la meilleure comédienne dans un second rôle. Et en février 63, son premier album avait rapidement été déclaré disque d'or, ce que fera à une vitesse encore plus impressionnante le second, lancé en août de la même année.

Mais tout de même, la naissance de Barbra superstar, c'est bien à "Funny girl" qu'on le doit. Un exemple suffit pour en être convaincu : alors que la première eut lieu le 26 mars 1964, en avril Barbra faisait la couverture du Time et en mai celle de Life. On a rarement depuis connu ascension plus spectaculaire.


Barbra Streisand jouera "Funny girl" pendant près de 2 ans et 1000 représentations, après quoi elle partira conquérir le monde, ce qui était déjà en bonne voie alors qu'elle était encore sur les planches. En 1964 seulement, elle sortira 3 albums : la version studio de "Funny Girl" et deux autres galettes qui lui permettront de détrôner les Beatles de la tête des hit-parades alors que les Etats-Unis étaient en pleine folie britannique.

Alors que 1965 approche, Barbra a 5 albums classés dans les meilleures ventes et s'apprête à signer un contrat de 5 millions de dollars avec CBS pour une émission spéciale à la télévision. 5 semble donc être son chiffre magique et ce sont pourtant 4 et non 5 jeunes femmes dont Barbra va indirectement tuer à jamais la carrière en raison de "Funny girl", un quadruple homicide pour lequel, à ce jour, elle n'a jamais été poursuivie.


La première victime de Barbra fut Lainie Kazan, qui eut la malchance d'être sa doublure dans "Funny girl". Née en 1940 de parents russes et turcs, Lainie était un choix parfait en cas de défection de la star, physique typé, voix puissante, elles avaient même fréquenté le même lycée. Pendant 18 longs mois, Lainie dut assister au triomphe de Barbra des coulisses jusqu'à ce qu'un soir, en raison d'un début de laryngite, elle puisse enfin monter sur scène.

Dans un délire proche de "All about Eve", la mère de Lainie avertit aussitôt la presse qui relata le lendemain la très bonne prestation de la doublure. Et un peu grisée, Lainie quitta aussitôt "Funny girl", jugeant qu'il était temps pour elle d'avoir sa propre carrière. Elle l'aura, dans la mesure où elle enregistrera quelques albums dont les fans attendent désespérément une réédition en cd, posera pour Playboy et deviendra un temps la chanteuse préférée du Dean martin Show.

Depuis 2000, Lainie Kazan, connait un regain de popularité et c'est inlassablement elle qu'on appelle lorsqu'on a besoin d'une comédienne solide pour incarner un mère juive ou grecque ayant potentiellement un fils homosexuel. Elle a été dans "Une nounou d'enfer", plus récemment dans "Desperate Housewives". Et elle a un peu forci.


Deuxième sur la liste des victimes, Mimi Hines eut la très délicate mission de prendre la suite de Barbra lorsqu'elle quitta "Funny Girl". Et elle s'en sortit plutôt bien puisqu'elle permit au show de poursuivre sa carrière à Broadway pendant 18 mois supplémentaires, amenant le nombre total de représentations à près de 1500 lorsque le spectacle ferma définitivement ses portes en juillet 67.

Malgré cela (et les louanges de Ray Stark, le producteur), il fut difficile pour elle de faire oublier qu'elle jouait dans la comédie musicale de Barbra Streisand et n'était qu'un second choix. Après avoir gravé sur disque quelques uns des airs de "Funny girl", elle reprit son chemin et joua dans à peu près tout ce qui se monta un jour à Broadway : en tournée, dans les casinos, au Canada, revenant régulièrement en tête d'affiche dans les night-clubs de New-York. On peut d'ailleurs encore la croiser à Manhattan dans des clubs. Elle va avoir 80 ans et elle-aussi, a un peu forci.


Alors que Barbra triomphait à Broadway, Ray Stark, toujours producteur, imagina qu'il sera fort lucratif d'envoyer en tournée dans les Etats-Unis une "Funny girl" bis, permettant à tous ceux qui ne pouvaient se déplacer à New-York de connaître le frisson du succès de l'année. Cette pratique est courante mais généralement après que le show ait fermé ses portes à Manhattan. Mais "Funny girl" n'était pas n'importe quel show. Après quelques recherches, tout le monde tomba d'accord sur le fait que Marilyn Michaels était la plus disposée à donner l'illusion que Barbra sillonnait le pays tout en étant au même moment à Broadway.

Née Marilyn Sternberg à New-York, Marilyn Michaels n'était pas totalement inconnue, en raison, en partie, de ses ressemblances physiques et vocales avec Barbra. Mais justement, même si la critique fut unanime pour souligner la qualité de sa prestation dans "Funny Girl", elle était un peu trop barbresque et il y avait déjà une Streisand, en train, en plus, de devenir maître du monde.

Possédant plus d'un talent, Marilyn Michaels délaissa l'interprétation pour l'imitation dont elle devint l'un des noms les plus célèbres. Elle est d'ailleurs toujours aujourd'hui considérée comme la meilleure imitatrice américaine. On a par contre un peu oublié qu'elle eut un jour une voix propre. Et elle a un peu blondi.



Le dernier nom de cette terrible liste est sans doute le plus émouvant et nous entraîne à Londres où "Funny Girl" fut envoyée d'avril à juillet 1966. Cas unique dans l'histoire du théâtre britannique, toutes les places, pour la durée totale des représentations furent vendues avant même l'arrivée de Barbra et du show en Angleterre, ce qui décida d'ailleurs les producteurs à prolonger la durée des représentations.

Cette nouvelle ravit Lisa Shane, jeune anglaise d'une vingtaine d'années, qui venait d'être choisie pour être la doublure de Barbra à Londres. Show prolongé, emploi du temps de la star surchargé : cela voulait donc dire qu'elle prendrait certainement la place de la vedette pour les représentations supplémentaires. Lorsque Barbra annonça qu'elle quittait le show en juillet parce qu'elle était enceinte, Lisa sabla le champagne ou la Guiness : "Funny girl" était enfin à elle. Dans un retournement que personne ne vit venir, les producteurs décidèrent finalement que "Funny Girl" s'arrêterait avec le départ de Barbra. On n'entendit plus jamais parler de Lisa Shane mais il est probable qu'elle prit un peu de poids et se fit des mèches.


Evidemment, on ne peut directement imputer à Barbra Streisand d'avoir tué dans l'oeuf ou considérablement freiné les carrières de Lainie Kazan, Mimi Hines, Marilyn Michaels et Lisa Shane. Toutes les quatre eurent la malchance de passer après Barbra dans un rôle auquel elle est à vie associée ou de lui ressembler un peu trop. Et en 1964, il n'y avait de la place que pour une chanteuse ethnique, puisque c'est ainsi qu'on continua longtemps de la présenter.

Presque 50 ans plus tard, on peut tout de même se demander si lorsqu'elle sourit enroulée dans du brocard et assise sur de la soie, Barbra pense parfois à ce qui se serait produit si elle s'était appelée Mimi et Lainie Barbra... Mais cette supposition est de la science-fiction, she is the greatest star et cela a l'air d'être assez suave comme statut.


3 commentaires:

Anonyme a dit…

Ses 4 camarades se réjouissent de constater, quand certains tabloïds publient des photos assassines de Babs "au naturel", que leur ancienne rivale a elle aussi méchamment ... blondi !
http://www.fabulousafter40.com/images/barbara_streisand_bra.jpg
Bruno

soyons-suave a dit…

On ne dira jamais assez les ravages du balayage californien et de l'absence de soutien-gorge.

Anonyme a dit…

Merci pour ce billet...