dimanche 26 septembre 2010

Les très suaves heures de l'histoire contemporaine : le jour où Vanity Fair eut une fausse bonne idée de couverture.



En mars 2005, le magazine Vanity Fair se réjouit d'avoir demandé, quelques semaines plus tôt, aux 5 actrices de la série Desperate Housewives de poser pour la couverture de leur numéro de mai. Le show du dimanche soir de la chaîne ABC est un véritable succès, ses actrices sont devenues des stars et il n'est pas une semaine sans que l'une d'elles ne fasse la une de la presse populaire : quand ce n'est pas les rumeurs de chirurgie esthétique pour Nicolette Sheridan, ce sont les amours déçus de Teri Hatcher, et depuis peu, les rumeurs persistantes de lesbianisme de Marcia Cross, qui a plus de 40 ans, n'est toujours pas mariée ni fiancée.

Du côté d'ABC on est plutôt très heureux de cette proposition. Vanity Fair c'est le glamour incarné, la classe absolue, les meilleurs photographes et des journalistes qui connaissent leur travail. On a d'ailleurs choisi Mark Seliger pour réaliser les photos de l'article et de la couverture. Après plus d'une centaine de unes de Rolling Stone, il travaille en exclusivité pour le groupe Condé Nast et a déjà à son actif plus d'une dizaine de Vanity Fair, Harper's Bazaar et GQ. Tout va bien. On peut espérer que ce qui ressortira de ce shooting sera plus haut de gamme que les dernières paparazzades.


Sauf que depuis quelques semaines, l'humeur au sein de Desperate Housewives n'est pas au beau fixe. Le show a été vendu aux actrices comme un "ensemble", pas une tête d'affiche mais 5 rôles à l'importance équivalente et il semblerait que la réalité soit un peu différente. Teri Hatcher est en fait le noeud du problème, se considérant comme la star de la série, ce que son Golden Globe tout juste récolté semble prouver. Hic : elle était nominée face à ses collègues de travail. Marcia Cross serait de loin la plus touchée par cette trahison, après tout elle incarne Bree, calquée sur la propre mère de l'auteur. Si quelqu'un doit régner sur le show, c'est bien elle.

Voilà pourquoi, parmi les demandes d'usage d'avant le jour J, ABC trouve plus sage d'envoyer à Vanity Fair quelques recommandations fort strictes. En aucun cas les actrices ne doivent poser en maillots de bain, cela nuirait à l'image sophistiquée de la série. Teri Hatcher ne doit jamais figurer au centre des clichés de groupe. Et surtout : elle a l'interdiction d'entrer la première dans la loge costume : l'usage, même à Hollywood, est de respecter le "premier arrivé, premier servi". Teri Hatcher ne doit donc pas se retrouver en position de choisir ses vêtements avant les autres.


Pour cette séance, Vanity Fair a loué l'ancienne propriété de Bing Crosby à l'extérieur de Los Angeles, on a prévu une photo réunissant tout le casting féminin devant la piscine du crooner puis des portraits individuels des actrices avec leurs maris dans la série. Tout devant être bouclé pour 16h. Tout le monde respire, le jour de la photo, en voyant arriver en première position Eva Longoria, avant de réaliser qu'il est 7h du matin et que les actrices ne sont pas conviées avant 9h. Eva s'est trompée, elle part donc aussitôt dormir dans sa loge. Et on arrête de respirer en voyant à son tour Teri Hatcher faire son entrée. Il est 8h45, elle salue tout le monde et file vers le camion costume retrouver le styliste qu'elle a pris soin de voir quelques jour avant afin de lui expliquer ce qu'elle espérait trouver en arrivant. On est en apnée chez Vanity Fair et cramoisi chez les attachés de presse d'ABC qui somment le photographe d'arrêter miss Hatcher. Mais les autres comédiennes arrivent, elles se précipitent vers le même camion pour y disparaître, alors qu'Eva enfin réveillée s'y rue également. Au bout de 30 minutes, 4 des actrices ont choisi un maillot de bain, seule Felicity Huffman est en robe. On sera donc en maillot !

La plus facile à placer est Eva Longoria qui, sans doute encore dans les brumes de la nuit, opte aussitôt pour une chaise longue autour de laquelle les autres actrices vont s'organiser. Marcia Cross s'installe derrière Eva tandis que Felicity, toujours pas revenue de se retrouver en maillot rejoint Eva sur la gauche. Nicolette Sheridan repère une chaise qui pourrait lui permettre un joli jeu de jambes sur la droite, Terri s'avance donc là où il y a de la place, au centre, à côté de Marcia, pâle dans un maillot vert quand Teri éclabousse dans un une-pièce écarlate. Chez ABC on s'étrangle, chez Vanity Fair on est sous assistance respiratoire. Voilà pourquoi personne n'a le temps de voir Marcia Cross quitter la piscine en empoignant un peignoir et se ruer vers son attaché de presse, lui ordonnant de faire son travail. Teri Hatcher est immobile, sans expression, Eva a commencé une nouvelle sieste et Felicity ne comprend toujours pas où est passée sa robe. Seule Nicolette s'exprime : elle ne bougera pas d'un centimètre ! Marcia intervient : plutôt mourir que d'être assise. Tous les regards se portent vers Teri. Elle ne dit rien puis secoue la tête : la chaise ? Bien sûr ! Très bonne idée la chaise.


Personne ne s'adressera plus la parole pendant l'heure que durera la séance et chacune des actrices partira s'enfermer dans sa loge en attendant son tour de poser individuellement. Seule Teri Hatcher sortira afin de donner un coup de téléphone, pas très joyeux visiblement puisqu'elle raccrochera en larmes et pleurera pendant une heure, dans les bras des maquilleurs. Le photographe, pendant ce temps, se battra avec Marcia Cross, supposée poser, sécateur en main, devant un if taillé en David de Michel-Ange, ce qu'elle refusera de faire tant qu'on n'aura pas ôté le branche faisant office de pénis.

Faire poser les 5 actrices en couverture du numéro de mai de Vanity Fair fut une fausse bonne idée, un cauchemar pour le photographe comme l'équipe mais une révélation pour le journaliste qui accompagna les clichés d'un article sur les coulisses de la séance au lieu d'une enquête sur le phénomène Desperate Housewives. Il fut à la suite de cela décidé à ABC que plus aucune photo réunissant les 5 actrices ne serait prise, préférant nettement la tranquillité d'un bon montage photoshop, jusqu'en 2008 où on renouvela l'expérience. Mais c'est à cela que servent les drames, à tirer des leçons. Observez Teri. Observez Marcia. Tout est rentré dans l'ordre. C'est si suave, des femmes qui s'aiment...

Aucun commentaire: