La propriété de Jack Warner, de la Warner Bros. du même nom, incarne plus que toute autre demeure hollywoodienne, ce à quoi doit ressembler la maison d'un producteur... ou tout au moins la maison d'un producteur telle qu'on se l'imaginait en 1930. Rachetée par David Geffen en 1990 pour la somme alors record de 47, 5 millions de dollars, elle est aujourd'hui un cas assez unique à Hollywood puisqu'elle possède toujours l'intégralité de ses 1500m2 habitables et son terrain de près de 4 hectares avec golf, piscine, court de tennis et piste de voiture avec garage et pompe à essence, quand la plupart des autres propriétés mythiques du vieil Hollywood se sont transformées en parking ou programmes immobiliers.
Construite sur un terrain acheté dans les années 20, elle a d'abord pris la forme d'un palais espagnol, modèle en vogue du temps du muet, pour se transformer en propriété coloniale grand sud dans laquelle il est étonnant qu'aucun extérieur d'"Autant en emporte le vent" n'ait été tourné. Jack Warner n'était pas pressé et ne donnait pas dans l'ostentatoire : son domaine n'a pris d'extravagantes proportions qu'au fil des succès du studio qui ne comptait au départ que Rintintin comme star bankable. Mais un "Chanteur de Jazz" et quelques "Casablanca" plus tard, la Warner devint le deuxième studio après la MGM et le cadre de vie de Jack se métamorphosa en conséquence.
A la fois demeure familiale et presque par obligation, showroom de la puissance du studio, la maison comporte toutes les figures imposées du genre : escalier monumental dès l'entrée, parquets rares, salon fumoir et salle à manger dressée en permanence pour 16 et pouvant accueillir jusqu'à 48 convives. Jack Warner qui avait la réputation d'être un peu frustre, confia cependant la décoration à William Haines, ancien jeune premier des années 20 de la MGM dont la carrière prit fin lorsqu'il refusa de cacher son homosexualité. Dans un retournement surprenant de carrière, il devint décorateur d'intérieur et refit joyeusement les intérieurs du tout Hollywood pendant presque 40 ans, avec un goût très "european chic" : un peu de Chippendale, quelques lustres, une touche de chinoiseries et beaucoup de tapisserie d'Aubusson.
Si le mobilier original fut vendu avec la maison en 1990, il fut surtout aussitôt envoyé chez Sotheby's par David Geffen pour une vente qui lui rapporta plusieurs millions, peut-être afin de moderniser la pièce maîtresse de la demeure : le salon-salle de projection, monumental, équipé d'un écran qui coulissait du plafond et de projecteurs qui apparaissaient alors que les rideaux rouges s'éclipsaient. Qui a en tête la scène identique d'"Une étoile est née" ou "Chantons sous la pluie" au cours de laquelle le producteur annonce à ses invités qu'il va leur projeter un film peut donc imaginer une soirée chez les Warner : c'est la source d'inspiration de ces deux films.
On murmure à Hollywood depuis quelques temps que David Geffen songerait à se débarrasser de ce monument mais qu'il n'accepterait aucune offre en dessous de 100 millions de dollars. C'est énorme, même pour une pièce originale de l'histoire du cinéma. C'est surtout beaucoup trop pour une coquille vide : sans les vases Ming et les fauteuils Louis XVI, l'argenterie et les damassés, pourquoi se ruiner, franchement ? Si cependant quelqu'un est intéressé, manifestez-vous et nous nous ferons un plaisir de transmettre. Nous sommes suaves, ne l'oubliez pas. Nous nous proposons même de faire l'état des lieux. Si cela peut dépanner...
2 commentaires:
Vous vous demandez pourquoi la superbe propriété de Jack Warner n'a pas servie de décor pour "Autant en emporte le vent"... Comprenez bien que son concurrent Louis B Mayer, patron de la MGM, productrice du film, ne s'est même pas posé la question.
Après cet éclaircissement, demain sera bel et bien un autre jour.
Randolph
Vous aurez compris qu'il s'agissait d'une remarque humoristique Randolph... non ? Parce que si vous relevez toutes nos fausses interrogations, prévoyez quelques thermos de café et veillez à faire des pauses régulièrement : la nuit va être longue.
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