Vous préférez vivre nu, ou, parce que vous êtes civilisé, en polo et tee-shirt et pourtant, l'heure va bientôt sonner du retour des pulls et des écharpes. Novembre arrive, malheureusement, nous n'y échapperons pas. Quelque part cependant, dans votre esprit qui refuse le froid, une question peut surgir à tout moment : et quid du gilet ? Cette interrogation n'est pas stupide, loin de là, elle nécessite cependant de ne pas être traitée à la légère. Un gilet ce n'est pas rien. Un gilet, c'est même assez compliqué.
Débarrassons-nous rapidement des objections qui pourraient survenir à la lecture de ce post de la part de lectrices attentives à une possible misogynie de Soyons-Suave : le gilet, même s'il en existe une version féminine, est par définition un vêtement d'homme.
D'ailleurs il n'existe pas un mais deux gilets : le premier a été popularisé sous Louis XVI et ne s'aperçoit plus guère que dans les comédie musicale de Kamel Ouali ou comme composant des costumes trois pièces, le second, que nous appelons en fait cardigan, aurait été inventé par James Thomas Brudenell, comte de Cardigan (voilà pourquoi), au XIXe siècle, afin d'être plus à l'aise au combat. Il était hussard.
C'est bien évidemment du second dont nous parlons aujourd'hui, cette étrange pièce de vêtement qui s'apparente à la chemise car elle possède des boutons mais tient également du pull puisqu'elle est en tricot. L'existence même d'une chose, quelle qu'elle soit, (la roue, le livarot, Cécile Dion) prouvant qu'elle correspond à un besoin, même surprenant, il est donc évident qu'on jugea un jour nécessaire de pouvoir ouvrir son pull sans avoir à utiliser un sabre. Le gilet possède donc un avantage : il est pratique, ce qu'on depuis longtemps compris nos amis hydrocéphales.
Pourtant le gilet n'a pas détrôné le pull, ce qui induit que leur différence ne réside pas que dans le fait qu'on enfile le second par la tête et le premier par les bras. Le pull et le gilet n'envoient pas le même message. Illustrations :
Cette joyeuse farandole d'hommes en gilet prouve une chose de façon évidente : ouvert ou fermé, le gilet permet d'être à l'aise. Voilà donc sa différence fondamentale avec le pull ! Parce qu'il s'ouvre et se ferme à volonté, parce qu'il permet ainsi de jouer avec la thermorégulation de son propre corps, le gilet est le vêtement du dimanche à la maison, du weekend entre ami ou à Palm Springs, de la journée d'arrêt de travail pour cause de symptôme grippal, voire même des heures passées à trouver le loi de la relativité.
Revers de la médaille : la gilet se porte d'abord chez soi, éventuellement à la campagne ou à la mer et a rapidement été accaparé par deux tranches d'âge que tout oppose sur le papier et qui pourtant se rejoignent dans la même maladresse, que le gilet amenuise : les adolescents et les personnes âgées. Gregory Peck, rarement aperçu sans costume, porta par exemple le gilet uniquement à l'université. A l'inverse, avant d'arrêter le cinéma, Sean Connery ne tournait plus qu'en gilet.
Envisager un gilet reviendrait donc à réfléchir ou tout simplement admettre sa tranche d'âge. Jusqu'à 22 ans, ce serait parfait. A partir de 70, ce serait même franchement conseillé. Seulement voilà, vous avez 42 ans, ou 33, ou 57 ou, et là c'est vraiment un manque de chance, 23 ou 69 ans ! Devez-vous brûler vos cardigans ? Les offrir au jeune fils de votre concierge ? Allez-vous envisager un peu de chirurgie plastique ?
L'étude approfondie des tendances actuelles, si elles révèlent que globalement, le sens du gilet n'a guère changé en 150 ans, offre peut-être un mince espoir. Aujourd'hui le gilet est toujours synonyme de confort, de jeunesse ou de mort imminente, comme le prouvent les photos qui suivent :
Mais on observe un curieux phénomène, qui consiste à envisager le cardigan comme le gilet du XVIIIe siècle, c'est à dire court, près du corps, à résonance chic et se moquant de votre date de naissance :
En rendant hommage à son ancêtre, le cardigan redevient possible, même lorsque vos études ne sont plus qu'un lointain souvenir et qu'il vous reste quelques belles années avant d'affronter la fracture du col du fémur. Nous pouvons donc affirmer que le gilet peut être une alternative au pull, à la condition expresse de bien réfléchir à sa coupe, à la raison pour laquelle vous décidez de le porter et à ce que vous mettez en dessous.
L'enfiler à même la peau est un autre cas de figure, que nous traiterons lors d'une nouvelle interrogation : "Mes heures en salle de gym méritent-elles une sévère irritation de l'épiderme ?".
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