samedi 17 octobre 2009

Les très suaves heures de l'histoire contemporaine : le jour où Donna Summer tourna le dos au disco.


En 1982, Donna Summer est en plein réinvention d'elle-même. La reine incontestée du disco, la femme aux trois albums consécutifs numéro 1 des ventes, l'idole des gays veut changer d'image et de formule. Il faut dire que depuis 1974, elle est inséparable de son producteur Giorgio Moroder, rencontré à Munich où elle s'est établie après avoir obtenu un rôle dans la troupe européenne de la comédie musicale Hair : elle espérait jouait à Broadway, elle atterrit en Allemagne.

Ensemble, ils vont définir un son nouveau qui va poser les bases du disco et cela à partir d'une idée de chanson de Donna dont elle ne possédait au départ que le titre "Love to love you baby"et qui va se transformer en hymne interplanétaire : Donna grogne, Donna geint, Donna feule, c'est "Je t'aime moi non plus" version X. Et ils vont en vendre des millions, sous un format jusque là inédit : le morceau de 17mn, reprenant le vieil adage : plus c'est long, plus c'est bon.


Le problème est que 8 ans plus tard, Donna est fatiguée des envolées orgasmiques. Elle a été une Bad Girl, elle a "senti l'amour" (I feel love), elle a dansé une dernière danse (Last Dance) et exigé des trucs chauds (Hot Stuff ). Elle a donc envie d'autre chose et surtout, elle a retrouvé Dieu : elle est en effet devenue une Born Again Christian ce qui cohabite mal avec son image de reine lubrique des dancefloors. Exit donc Giorgo Moroder. Donna quitte également son label d'origine, Casablanca Records pour une nouvelle maison, Geffen, que vient de créer le millionnaire David Geffen qui la place aussitôt entre les mains expertes du déjà vétéran Quincy Jones. Mais il lui faut des chansons.

Paul Jabara, comédien, chanteur mais surtout compositeur a déjà travaillé avec succès avec Donna Summer, il lui a écrit "Last Dance " et "No more tears", le duo avec Barbra Streisand dont tous les garçons sensibles rêvaient... ils frôleront de nouveau l'érection lors du duo de Barbra avec Céline Dion 20 ans plus tard mais c'est une autre histoire. Nouveau label, nouvelle Donna, Paul se dit donc qu'il commémorerait bien la chose en offrant à son interprète fétiche un nouveau succès. Et comme il a une idée, il contacte Paul Schaffer pour qu'il l'aide à fignoler la chose. Le morceau est écrit en une après-midi de 1982 et le rendez-vous est pris avec Donna. L'entrevue durera 10mn : en découvrant les paroles où il est question d'un étrange phénomène météorologique, Donna blêmit. Elle quittera la pièce en se désolant d'avoir eu la preuve que l'âme des deux Paul est définitivement perdue, elle fera même parvenir une bible à Jabara le surlendemain.

Que faire lorsqu'on a entre les mains une pépite dont l'interprète ne veut pas ? On la propose à quelqu'un d'autre. Il se trouve que Jabara louche vers un duo assez atypique appelé Two Tons Of Fun, composé de deux anciennes choristes de plus de cent kilos chacune du chanteur Sylvester, Martha Wash et Izora Armstead et qui viennent de rejoindre Columbia records, sa maison de disque. Les deux femmes écoutent la chanson, l'adorent, la chose est faite : elles l'enregistrent et changent de nom au passage, elle deviennent les Weather Girls et c'est elles qui deviennent, pour l'éternité, les créatrices de cette fameuse chanson : "It's raining men".


Donna Summer ne dit jamais si elle regrettait d'avoir laissé filer ce tube mondial maintes fois repris depuis... elle préféra expliquer alors qu'on ne lui demandait rien que le sida était une punition de Dieu envoyé aux homosexuels. Elle se perdit dans le rock puis la dance, elle tenta de revenir l'année dernière avec un album aux sonorités techno. Les Weather Girls enregistrèrent 3 albums avant de se séparer, ne retrouvant jamais le succès de leur premier single.

Mais Martha Wash, une des deux Weather Girls, ne tarda pas à se retrouver de nouveau devant les projecteurs, de la justice et des médias cette fois-ci, lorsqu'elle fit un procès à trois producteurs italiens qui lui avaient fait enregistrer une dizaine de morceaux supposés rester de simples demos et qu'elle eut la surprise d'entendre à la radio, sauf que ce n'était pas elle qu'on citait. L'été 1989, Black Box et sa longiligne chanteuse Katrin, de son vrai nom Catherine Quinol, un mannequin français, dominent les hit-parade avec "Ride on time" puis "I don't know anybody else" suivi de "Everybody Everybody" et "Strike it up". Le problème est que Katrin ne chante pas une note, elle bouge simplement ses lèvres sur la voix puissante de Martha Wash, dans les videos mais également en concert. Martha attaqua donc et gagna; tout d'abord l'obligation que son nom apparaisse sur tous les albums, singles et articles sur le groupe mais surtout que plus jamais une telle situation ne se reproduise.


Grâce à Martha Wash, il est désormais impossible qu'un artiste soit doublé sans qu'on le sache. Et si il est déjà formidable d'être connue pour avoir chanté un tube intemporel, n'est-il pas encore plus suave d'être à l'origine d'une loi défendant les opprimés ? Martha Wash n'est pas qu'une chanteuse, c'est presque une sainte.

1 commentaire:

Jérôme (moins anonyme) a dit…

Maintenant Donna est bien placée pour que Martha puisse être canonisée...