vendredi 31 août 2018

Et maintenant chantons !



Depuis le premier jour de l'été et le début de notre panorama estival des groupes vocaux, nous savions que si nous devions terminer par une formation en particulier, cela serait par Les Soeurs Etienne. Alors d'accord, ce n'est peut-être pas le groupe le plus avant-gardiste ni celui qui révolutionna le monde de l'accord et du contre-chant mais nous n'y pouvons rien, notre amour pour les Soeurs Etienne étant totalement irrationnel. 

A la différence d'autres artistes évoqués précédemment, nous sommes incapables de savoir d'où cela vient ni quand cela a commencé, nous ne sommes même pas certains d'être en mesure d'expliquer ce qui nous séduit tant chez Louise et Odette, dont les simples prénoms évoquent plus le pot-au-feu et le hareng pomme à l'huile que le swing ou le jazz.

Grave erreur pourtant, version française des Andrews ou des Boswell sisters, les Soeurs Etienne vont incarner entre 1945 en 1955 un certain renouveau de la chansons française, relativement déprimante et réaliste jusque là et surtout faire bouger le public des cabarets et des salles de spectacle avec leurs voix de rossignols, leur sens du rythme et leurs harmonies ultra serrées.








Il est surprenant qu'on n'ait pas encore réalisé un biopic sur le destin des deux soeurs qui est exemplaire : Odette et Louise aiment chanter dans leur Reims natal, elles participent séparément à un concours de chant local qu'elles remportent à quelques jours d'intervalle. Les voici en finale l'une contre l'autre ce que leur père juge insupportable. Il les encourage donc à se présenter en duo afin d'éliminer les autres concurrentes. Les Soeurs Etienne viennent de naître. 

Arrivée à Paris où elles chantent dans des cabarets (Odette a 14 ans, Louise à peine 19), elles aiment les succès américains mais qui sont difficiles à chanter en 1943. Ce sera nettement plus facile après la libération et comme elles sont les seules à faire cela, les voilà embauchées par l'orchestre de Glenn Miller avec lequel elles resteront pendant des semaines. 

La suite est un rêve : tous les orchestres les veulent, Raymond Legrand et Loulou Gasté se les disputent, Decca veut les signer. Leurs premiers disques déclenchent la folie Etienne et le répertoire va être impeccable, entre chansons originales et reprise de succès US. Et c'est surtout un triomphe presque à chaque fois. C'est vif, joyeux, léger... autant d'adjectifs que nous accepterions volontiers si on les utilisait pour nous définir. 


































A partir de 1955, les deux soeurs vont préférer se consacrer à leur vie de famille mais c'est sans imaginer que 30 ans plus tard, la télévision va de nouveau faire appel à elles. C'est d'abord Jacques Martin qui les fait revenir puis Pascal Sevran et vaillamment, elles retournent en studio.

Odette est décédée en 2013 et Louise en 2016 mais avant cela, la plus âgée des soeurs avait accordé un entretien d'une heure à France Culture disponible ici.  Ou comment raconter avec humour et détachement qu'on a découvert le Québec en voiture avec Aznavour, fait des âneries avec Salvador et on s'est battu pour être les premières à enregistrer "C'est si bon" dont personne ne voulait ou presque.

Ce n'est pas vieillot. Ce n'est même pas vintage. C'est juste de la musique et malgré les années, c'est toujours aussi suave.

4 commentaires:

Blas Inflante a dit…

Et Annie Flore alors?

soyons-suave a dit…

Ben elle ne fut que très occasionnellement un groupe vocal, ce qui était tout de même le thème de l'été :)

Blas Inflante a dit…

Oui, c'est vrai, pardon mon très bon, je pensais en passant à ma voisine Annie ou Anny Flore, née à Cahus, Lot, en 1912, qui sévit dans les mêmes années.

Unknown a dit…

Mon grand père Maurice était impresario il s'occupait de Maurice Chevalier (à qui mon grand oncle a appris à boxer) , Charles Trenet, Piaf ce qui lui a valu d'être arrêté à la libération, Sidney Bechet et Django Reinhard. Sidney a failli être mon parrain de baptême. Il s'occupait aussi des sœurs Etienne et là c'est plus croustillant. Il a trompé ma grand'mère avec une des deux. "scandale in the Family" outrage scandale! ma grand'mère a fait un tel tintouin dans l'hôtel où elles étaient descendues que celle qui n'avait rien à voir dans l'histoire a préféré changer d'hôtel le temps que la tempête se calme (ce qui n'était toujours pas le cas 50 ans plus tard!!!!). Ma grand'mère est allée comme chaque fois récupérer la recette, elle faisait la trésorerie. Cette fois-là au palais des beaux-arts de Charleroi, arrivée de la mémé toujours fulminante, outrée sous son chapeau Jacques Fath rien qu'à l'idée de toucher de l'argent de ces "créatures". Or le fait qu'elles se soient installées dans deux hôtels différents a doublé tous les frais. Il restait si peu d'argent que ma grand'mère ne l'a même pas pris. En 2003 à l'occasion d'un spectacle qui leur était consacré je les ai rencontrées, je leur ai dit qui j'étais. l'une d'elle a dit "la petite fille de Maurice! Vous avez la forme de son visage" Sauf que je n'ai pas osé lui demander "vous êtes laquelle?"