dimanche 29 septembre 2013

Les très suaves heures de l'Histoire Contemporaine : le jour où Barbara Moore fut renvoyée pour la première fois... ou la deuxième fois.


















En 1970, le monde de la musique londonien est en ébullition depuis qu'une nouvelle a traversé l'Atlantique : Anita Kerr, la seule, l'unique chef de choeur et tête chantante des Anita Kerr Singers, recherche de nouveaux chanteurs pour son groupe, qu'elle va auditionner à Londres. 

Drôle d'idée ? En fait fort logique : pour des raisons financières et sentimentales, Anita a décidé de quitter les Etats-Unis et de venir s'installer en Suisse. Elle a, de plus, signé pour une série de shows à la télévision hollandaise. Elle cherche donc des voix qu'elle n'aura pas à faire changer de continent à chaque enregistrement. Les auditions commencent. 






















Vous vous êtes, depuis hier, familiarisés avec Barbara Moore, notre obsession du moment, qui en 1970, tire un peu le diable par la queue. Après un début prometteur et un album jazz chez CBS, "A little Moore Barbara", dans lequel elle démontrait ses talents de pianiste et chanteuse, elle en est réduite à faire les choeurs pour à peu près tout le monde. 

C'est d'autant plus navrant que Barbara a étudié la musique à l'université et s'est spécialisée dans la composition et les arrangements. La gamme n'a aucun mystère pour elle, malgré tout, on ne l'engage que pour lancer de parfois très suaves "yeyeye", comme à la télévision en compagnie de Dusty Springfield qui a l'extrême amabilité de présenter ses choristes. 



Dans le milieu des studios, Barbara Moore est un nom qu'on s'échange car elle est fiable, très professionnelle et possède (et pour cause) une excellente oreille. Besoin d'une voix ? Appelez Barbara !

Sa très bonne réputation, ce n'est pas son album qui l'a générée mais ce qui est peut-être son engagement le plus bref et le plus lucratif : 5 minutes dans un caisson insonorisé pour chanter la ligne mélodique du générique d'un feuilleton que va bientôt lancer la télévision britannique. Tendez l'oreille, "tu tu tu tu tu tu", c'est elle.



En 1970, Barbara est donc ravie de passer les auditions pour Anita Kerr et encore plus quand elle apprend qu'elle est prise. Faire partie des Singers d'Anita, c'est non seulement suave, mais c'est surtout l'assurance d'un travail régulier, d'allers et retours pour Amsterdam chaque semaine et de poser sa voix sur les très populaires albums de l'arrangeuse. 

Barbara participe donc aux shows hollandais et à "The Simon and Garfunkel songbook". C'est la félicité.



















Comme elle le racontera elle-même à la BBC lors d'une semaine qui lui était entièrement consacrée, Barbara Moore va cependant devoir quitter les Anita Kerr Singers lorsque Anita va découvrir que finalement, Barbara fait, à ses heures perdues, exactement la même chose qu'elle. On l'engage en effet pour écrire des arrangements, parfois des compositions originales pour des génériques ou des publicités. Elle a même dirigé des choeurs. 

Il ne peut pas y avoir deux arrangeuses - chanteuses - compositrices dans le même groupe. Et c'est avec un sourire contrit qu'Anita explique à Barbara qu'une des deux doit partir et qu'il est difficilement envisageable que ce soit elle-même. 






















Finalement, le renvoi de Barbara va presque être salutaire puisque c'est à la même période qu'elle va être contactée par le label De Wolfe où elle fera une partie de sa carrière jusqu'au milieu des années 80, composant les choses merveilleuses que vous avez pu écouter hier. 

Selon les dires de Barbara, c'est la seule et unique fois qu'elle fut renvoyée, ce qui n'est pas tout a fait exact. Quelques années plus tôt, Barbara faisait partie d'un groupe vocal féminin très populaire en Angleterre, The Ladybirds, dont on l'évinça lorsqu'elle commença à écrire des arrangements pour la BBC. On la pensa alors beaucoup trop ambitieuse alors qu'elle ne voulait diriger... qu'un orchestre, ce qu'à 80 ans elle fait toujours avec grâce, humour et simplicité. Barbara est une femme Soyons-Suave. 

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