Le 7 décembre dernier s'est tenu à New-York la vente aux enchères d'objets ayant appartenu à Joan Crawford. La chose en elle-même n'a rien d'extraordinaire, il est en effet fréquent qu’après la disparition d'une célébrité, ses héritiers dispersent une partie de l'héritage, souvent pour régler des droits de succession d'ailleurs.
Mais dans le cas de Joan, il est intrigant que la vente ait eu lieu 34 ans après le décès de la star, le 10 janvier 77. Quiconque a vu "Maman très chère" (et si ce n'est pas le cas, allez au coin 20 bonnes minutes en pénitence) sait que la lecture du testament de Joan fut relativement douloureuse pour deux de ses enfants adoptifs, Christopher et "celle dont on ne doit pas prononcer le nom", qui furent rayés de la succession pour des raisons "connues d'eux-mêmes". Cet affront entraînera une courte bataille juridique, une compensation pour les deux oubliés et l'écriture du livre que l'on sait.
Les économies et les biens de Joan furent en fait légués à ses deux autres enfants, adoptés eux-aussi, les jumelles Cynthia et Cathy. Très déçue par ses deux premiers achats nés, Joan Crawford récompensait ainsi la fidélité et l'obéissance des filles, qui, à la différence de Christopher ou de "celle dont on ne doit pas prononcer le nom", restèrent proches de leur mère jusqu'à la fin.
Cynthia n'eut pas une vie très suave : amoureuse et rapidement enceinte, elle vécut dans un mobil-home avec ses deux enfants et son époux, dont elle divorça peu avant le décès de Joan. Désireuse de se rapprocher de ses parents biologiques, elle retrouva tout d'abord son père juste à temps pour le voir mourir d'un cancer avant, à son tour, de succomber des suites d'une hépatite en 2007.
Joan, Cathy et un chat un peu réfractaire.
Cathy pour sa part rendit certainement maman très chère un peu plus fière puisqu'elle épousa un officier de marine et vécut dans une maison en dur jusqu'à son divorce. Elle est depuis 1990 aide maternelle et est devenue la gardienne du temple, aidée en cela par son fils qui tient un blog destiné à rétablir l'image de sa grand-mère, un peu ternie par le livre de sa tante dont on ne doit pas prononcer le nom.
Depuis la mort de sa soeur jumelle, Cathy est l'unique dépositaire de l'héritage Crawford qu'elle est habituée à disperser, sans doute lorsque le besoin financier s'en fait sentir. Peu après la mort de Joan, une partie de ses biens avait déjà été mise aux enchères, une vente célèbre, entre autre, pour l'achat, par Andy Warhol, des sourcils postiches de la star. En 1993, c'est l'Oscar remporté pour "Mildred Pierce" qui s'était envolé. C'est à elle que l'on doit la vente du 7 décembre.
Est-ce à dire qu'on a proposé les fonds de tiroirs ? Pas exactement. Ce sont 80 lots que les amateurs et les collectionneurs ont pu se partager, une vente forcément modeste, surtout comparée, par exemple, aux 450 lots de la succession Lena Horne de février dernier mais assez émouvante, de quoi en tout cas satisfaire les fans les plus irréductibles.
Il y eut d'abord les fourrures, 14 pièces, portant souvent le monogramme JC, quelques bijoux, mais surtout des objets intimes, de la correspondance, des albums photos, autant de choses jugées sans doute anecdotiques lors des précédentes enchères mais qui, associées ici, ont rendu la vente assez pointue. Pour preuve cette petite sélection d'articles que nous aurions volontiers trouvé au pied du sapin, même si le service à fondue était une excellent idée.
Une broche Pepsi en or, rubis et émeraude offerte par Al Steele.
Une lettre savoureusement ironique avec le recul avertissant Joan d'un retard de tournage sur "Baby Jane" en raison d'une indisposition de Bette Davis.
Une rarissime photo de Joan et sa mère, datant de la fin des années 20.
12 assiettes à escargots, toujours utiles, toujours pratiques, prouvant que Joan avait le palais international et parfois gaulois.
En tout, la vente du 7 décembre a rapporté plus de 135 000 dollars, une somme très au-dessus des estimations (autour de 23 000) et assez importante considérant la valeur relative des biens mis aux enchères. La plupart des lettres, de la MGM par exemple, sont parties autour de 400 dollars et les quelques bijoux aux alentours de 1000 dollars pièce, pour des boucles d'oreilles généralement fantaisie.
La véritable surprise de la vente Crawford fut incontestablement les 25 000 dollars atteints par le Golden Globe remis à Joan en 1970 pour l'ensemble de sa carrière et qui était estimé à 3000 dollars mais surtout les incroyables 10 000 dollars versés pour un ensemble de films super8 dont les experts avaient estimé la valeur autour de 250 dollars. Vendus 50 fois leur prix de départ, ces films, de quelques minutes à peine, ont aussitôt établi un nouveau record pour un objet de ce type. Presque 40 ans après sa disparition, Joan Crawford est toujours au top.
C'est du moins ce que la presse du monde entier aurait pu écrire si au même moment, Christie's n'avait eu la bonne idée d'organiser la vente des effets de Liz Taylor, 4 jours d'enchères pour les bijoux et deux semaines de vente uniquement en ligne pour les meubles, vêtements et bibelots divers. En tout la vente Taylor a rapporté 150 millions de dollars, dont 116 uniquement pour les bijoux, battant tous les records imaginables : plus haut prix jamais payé pour une perle, pour un diamant indien et pour une vente de bijoux tout court, le précédent record étant la vente de la Duchesse de Windsor en 1987.
Nous n'avons rien contre Elizabeth Taylor, nous savons qu'elle est régulièrement vilipendée par quelques uns de nos suaves visiteurs cependant nous avons toujours conservé pour elle une sympathie sincère. Mais là, nous sommes obligés de le dire : ce n'est pas sport. On ne vend pas ses breloques le jour où Joan se débarrasse de ses assiettes à escargots. On a connu des façons plus suaves de terminer l'année.
3 commentaires:
poor Joan! Miss Dame Trash aka Liz will always be the first
You are talking the truth Moyses. Amen !
Merci pour cette page, qui se lit comme un roman. Quel bonheur ! J'ignorais totalement que JC portait des faux sourcils. J'adore le concept.
Bruno
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