En 1982, une certaine excitation parcourt la foule qui se presse pour assister à la 39e remise des Golden Globes Awards. Décernés par l'Association Hollywoodienne de la Presse Étrangère, les Golden Globes ont toujours été considérés comme un galop d'essai et le baromètre des Oscars qui généralement suivent à quelques semaines mais en 1982, une raison bien particulière est la cause de cette fièvre.
On a en effet annoncé qu'une seule interprète chanterait les 5 titres en compétition pour la chanson de film de l'année, ce qui est déjà en soit un évènement puisqu'une telle chose ne s'est pas produite depuis Judy Garland dans les années 50. Mais les organisateur ont surtout révélé que cette personne serait Connie Francis, invisible depuis une dizaine d'années.
A vrai dire, le monde (entendez l'industrie du spectacle américaine) a pratiquement oublié Connie Francis en ce début des années 80 ce qui prouve combien il a la mémoire courte. Car pendant près de 10 années, Connie Francis a été la record-woman absolue de vente de disques au monde.
De ses débuts en 1958 jusqu'à cette date, elle a enregistré plus de 50 albums, des brouettes de 45 tours et tourné dans 7 films dont "Where the boys are", qui va lancer la mode des films pour adolescent et accidentellement l'habitude qu'ont depuis les étudiants américains de consommer le plus d'alcool possible dans le temps le plus court à l'occasion de ce qui se nomme le "spring break".
L'histoire même de Connie Francis est un scénario de film. Née dans une modeste famille italienne du New Jersey sous l'impossible (mais très italien) nom de Concetta Rosa Maria Franconero, la future Connie va d'abord se révéler être un as de l'accordéon avant de se lasser de cet instrument, se mettre à chanter et intéresser MGM records.
Elle a 17 ans, elle va enregistrer dans une certaine indifférence 9 titres et prêter sa voix à Tuesday Weld et Jayne Mansfield mais rien ne se passe jusqu'à l'enregistrement du dernier titre qui la lie à la MGM. Elle n'aime pas la chanson qui a été crée en 1923, son père insiste, elle s'exécute. Le titre de la dernière chance s'intitule "Who's sorry now" et va rapidement dépasser le million d'exemplaires.
"Who's sorry now" va lancer Connie Francis à la vitesse d'une catapulte et définir celle qu'elle va être pendant les 25 années à venir : une jeune femme très sympathique qui chante autant avec son coeur qu'avec ses mains, des ballades souvent poignantes qui peuvent éventuellement se terminer par un oeil humide.
La meilleure façon de comprendre la popularité de Connie Francis est encore les chiffres : entre 1959 et 1960, elle enregistre 15 (!!!) albums, chiffre démentiel qui n'est pratiquement pas humain et qui devient franchement surnaturel lorsqu'on découvre qu'en même temps, elle tourne un film et participe à toutes les émissions de radio et de télévision possibles.
Au demeurant simple et naturelle, Connie Francis n'envisage pas moins cependant que la domination du monde, ce qui se reflète par une discographie qui couvre les 5 continents, fait d'elle une star en Italie et en Allemagne et une très décente interprète de Burt Bacharach. Seule la France a relativement échappé à sa domination. Et l'Albanie nous informent de suaves visiteurs de Tirana.
Mais alors quid ? Que passa dans la vida de Connie Francis pour qu'elle disparaisse littéralement en 1974 et ne refasse surface qu'en 1982 sur la scène des Golden Globes ? Un paragraphe n'y suffirait pas mais tentons néanmoins la concision : en 1974 lors d'une tournée, elle est violée et laissée pour morte dans sa chambre d'hôtel par un homme qui ne sera jamais retrouvé. S'en suivent un procès contre la chaîne d'hôtel Howard Johnson où la tragédie a eu lieu (qu'elle gagne), une dépression, une volonté de tourner la page en se faisant refaire le nez ce qui endommage ses cordes vocales et la rend muette pendant 2 ans et l'assassinat de son frère dont elle découvre qu'il était un membre important de la mafia.
Dire, par conséquent, que la présence de Connie Francis à la 39e cérémonie de Golden Globes est une renaissance est un euphémisme. On en oublierait presque la robe bleu nuit et la permanente.
Effectuer un comeback devant près de 100 millions de téléspectateurs était sans doute une chose osée mais cela permit en tout cas à Connie de quitter l'enfer des hôpitaux psychiatriques, admettre des troubles maniaco-dépressifs dont elle deviendra d'ailleurs un porte-parole à travers le pays et trouver le courage d'écrire son autobiographie qu'elle intitulera "Who's sorry now". Retour à la case départ.
Connie Francis possède, certes, aujourd'hui un nez étrange mais elle continue de sillonner les Etats-Unis pour des concerts exceptionnels ou des galas de charité. Nous ne sommes pas en mesure de vous donner les dates de ses prochaines apparitions mais sommes certains qu'elle fut touchée par l'extraordinaire hommage qui lui fut rendu en 1993 lorsque sa chanson "Lipstick on your collar fut choisie comme titre et générique de l'indispensable série de Denis Potter.
Tout finit donc par des chansons, c'est un peu mièvre comme conclusion, nous vous l'accordons mais nous sommes le 23 décembre. Joyeux Noël.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire