TheDivineFeud est fort, vraiment très fort, balèze même pourraient dire certaines et ce n'est donc pas sans raison qu'il voit cette semaine son nom en noir sur blanc sur Soyons-Suave. Notre mystérieuse inconnue était bien l'unique Agnès Moorehead, du temps de ses jeunes années, du temps où elle se demandait si son physique en dehors de canons à la mode n'allait pas être un frein à sa carrière, du temps où il fallait tout l'instinct d'Orson Welles pour percevoir chez cette déjà presque trentenaire l'impératrice à venir des seconds rôles, la tzarine des compositions inoubliables.
De cette magnifique actrice on sait finalement peu de choses, tant elle s'évertua à entourer de secret sa vie privée, mettant un point d'honneur à ne jamais répondre à la moindre question personnelle lors des rares interviews qu'elle acceptait de donner. Deux maris, deux divorces, un fils adoptif, voilà à peu près tout ce que l'on peut dire sur la plus célèbre belle-mère/sorcière de la télévision, dont même Elizabeth Montgommery, sa partenaire pendant les 8 années que dura "Bewitched" avouait ne rien savoir. Et lorsqu'on l'interrogeait sur le fait de participer au show au casting le plus gay de la télévision US, Elizabeth levait un sourcil en répondant "Vraiment ?".
Mais oui ! Vraiment Elizabeth. Des seconds rôles récurrents au regretté deuxième Jean-Pierre Dick Sargent, on ne compte plus les comédiens de la série qui firent leur coming-out et s'engagèrent pour certains, à l'image de la jeune fille jouant Tabatha, aujourd'hui grande activiste lesbienne. Mais alors Agnès ? C'était donc cela son secret ?
Les deux seules personnes qui pourraient éventuellement avoir à dire sur la vie si privée d'Agnès Moorehead ne se sont pourtant jamais exprimées sur le sujet : il s'agit de Debbie Reynolds et Susan Hayward. Si il est difficile d'envisager aujourd'hui que la seconde s'exprime enfin (la nouvelle sera triste pour ceux qui l'ignorent mais Susan nous a quitté en 1975, un an après Agnès et du même cancer contracté visiblement sur le tournage du "Conquérant"), Debbie Reynolds manifeste une certaine pudeur lorsqu'on évoque encore aujourd'hui le nom de celle qui était présentée dans les magazine comme sa meilleure amie et avec laquelle elle passait des soirées entre filles ou de longues heures à répéter ses rôles... Presque 40 ans séparaient les deux femmes mais l'attention, et l'affection dont une jeune fille a parfois besoin d'une ainée ne regarde pas le nombre des années.
Susan Hayward, incarnation même de l'hétérosexualité, reconnaissait en privé qu'elle pouvait tout obtenir d'Agnès Moorehead, qui vouait à sa rousse collègue une admiration sans borne. Mais Susan ne mangeait pas de ce pain là. Tout au plus savait-on, sur les tournages où elles se trouvaient toutes deux que si on cherchait Agnès, c'était dans le sillage ou la loge de Susan qu'on pouvait la trouver.
Le secret magnifique d'Agnès Moorehead était donc d'appartenir à ce qu'on appelait à Hollywood dans les années 50 le "Sewing circle", le club de couture en quelques sorte, terme très codé pour désigner les actrices parfois mariées par convention et qui, de toute évidence, préféraient la compagnie des femme. Greta Garbo hors concours, il est délicieux de découvrir que celle qui aurait pu sans conteste prétendre au titre de présidente de l'association, Barbara Stanwick, était en fait la Nemesis d'Agnès Moorehead. La raison en est toute simple : en 1943, alors que sa carrière se situe essentiellement sur les planches et à la radio avec Orson Welles, Agnès a la chance d'interpréter l'unique rôle d'une dramatique qui va faire date : la pièce radiophonique "Raccrochez c'est une erreur". La diffusion est une triomphe, à tel point que par 5 fois, Agnès va reprendre le rôle derrière le micro, jouer dans l'adaptation théâtrale et même graver la pièce sur disque. "Raccrochez c'est une erreur" est son "Lady Macbeth", son "Phèdre". Mais lorsque Anatole Litvak adapte le texte au cinéma en 1948, c'est à Barbara Stanwick qu'il confiera le rôle. Barbara est plus connue, c'est une star, Agnès n'est qu'une voix.
On peut se demander si Agnès Moorehead célébra au champagne la défaite de Barbara aux Oscars (la quatrième et dernière) pour ce film et trinqua plus tard avec Jane Wyman qui l'emporta cette année là sur les tournages des films de Sirk qu'elle partagèrent par la suite. Mais finalement nous ne nous posons pas la question. Car Agnès, comme beaucoup d'autres de ses consoeurs, trouva dans la foi un moyen d'accéder à la sérénité. Nous imaginons donc qu'elle pria plutôt pour elle, avec ses amies, entre deux séances de couture, ce qui est infiniment plus suave.
4 commentaires:
La série "Bewitched" est plus connue en France sous le nom "Ma sorcière bien-aimée".
Votre bienaimé serviteur
Randolph
hi hi les séances de couture :) sacré Monsieur Suave :)
Joan Crawford aussi faisait partie du club de couture, elle aimait coudre avec... Barbara Stanwyck (!!) des dames très très suaves ;)
Nous y avons consacré quelques billets vous savez :)
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