En 1946, le lancement par la firme Pond's d'un petit poudrier, qui sera équipé quelques années plus tard d'un miroir intégré, va bousculer le marché des cosmétiques. Si la chose en elle-même n'est pas extraordinaire (après tout on se poudre le visage depuis des siècles) son contenu est, lui, totalement novateur puisque l'objet abrite une poudre sèche qui fait également office de fond de teint.
Suaves visiteurs, vous aurez compris que la belle histoire du dimanche va parler crèmes et onguents, une façon comme une autre de célébrer la fête des mères qui sont de toutes les façons magnifiques même sans maquillage... Et ajoutons que "toutes les femmes sont belles" ce qui nous permet pour la première et dernière fois de citer Frank Michael.
Tout commence en 1846 dans l'état de New-York lorsque Theron Pond, pharmacien de profession, décide de créer une pommade à base d'hamamélis, arbuste également appelé le noisetier des sorcières et connu depuis des siècles pour ses propriétés antiseptiques.
On ne louera jamais assez les pharmaciens qui à leurs heures perdues, œuvrèrent à changer la face du monde. Rappelons qu'on leur doit des choses aussi diverses que la cafetière, les allumettes, le Coca-Cola et les dragées purgatives. Theron Pond créera, lui, le "Pond's extract", une pommade miracle contre un peu tout, qui sera un succès mais qui n'a qu'un rapport lointain avec ce qui nous intéresse aujourd'hui.
La pommade miracle de monsieur Pond, qui se révélera surtout efficace pour lutter contre les hémorroïdes, ce douloureux problème, amènera surtout à la création du groupe Pond's, qui dès la fin du XIXe siècle, comprend la nécessité de diversifier ses activités. La beauté étant dans l'air du temps, Pond's lance en 1904 deux crèmes pour le visage qui, malgré des campagnes de promotion, vont passer relativement inaperçues.
Tout change en 1916 lorsque la firme Pond's change d'agence de publicité. Idée aussi ridicule que géniale : on décide de vanter les deux crèmes comme étant complémentaires. Dorénavant l'une ne va pas sans l'autre : la première s'utilisant au coucher pour assurer à la peau pendant la nuit une parfaite hydratation et la seconde s'appliquant au lever afin de fixer le maquillage. Pond's et sa nouvelle agence viennent d'inventer le premier geste beauté dont vont s'emparer les américaines. Un rituel est né.
Dans les années 20, le marché de la beauté est encore en devenir et traînent encore dans l'esprit des femmes ces idées d'un autre temps que les fards sont l'apanage des prostituées et des actrices, ce qui revient souvent à désigner la même catégorie de personnes : peu recommandables !
Trois personnages incontournables vont faire évoluer ces mentalités : Helena Rubinstein, Elizabeth Arden et Max Factor, qui à peu près à la même période, se font un nom en déclarant que toute femme a le droit d'être belle et peut l'être, à condition qu'elle y mette le prix. Car être belle coûte cher et semble réservé à une élite : revoir pour cela la scène d'anthologie supposée tournée dans le salon Elizabeth Arden de la Cinquième avenue de "Femmes" de Cukor.
Les produits que lance la firme Pond's à partir des années 30 ont tous pour caractéristique d'être accessibles, faciles à utiliser et cependant novateurs. Pond's introduit par exemple la lanoline que seule Helena Rubinstein a eu l'idée d'utiliser dans la fabrication de ses crèmes vendues exclusivement dans ses boutiques-salons, Pond's ajoute de la vitamine A, Pond's démocratise les cosmétiques.
En 1946, le lancement de la gamme "Angel face" est un tournant puisque pour la première fois, la femme coquette va avoir accès à une poudre qui ne s'applique pas à l'éponge et se suffit à elle-même. Pas de gros pot, pas de linge pour l'application : tout est dans le poudrier qu'on ne peut pas louper avec sa couleur verte et ses jolies arabesques. Il se glisse dans un sac, se sort et se range en un tour de main : comment ne pas y avoir songé avant ?
Il sera tout autant difficile de louper les femmes "Angel face" qui vont devenir, dans les années 50 et 60, l'incarnation même de la sophistication. Rencontrant un succès invraisemblable, la gamme "Angel face" va devenir en quelques années le produit phare de Pond's qui l'exporte dans 96 pays et gagne des fortunes, sauf en France où on préfère les marques locales et le maquillage couture, Dior ou Chanel, ce qui est toujours vrai aujourd'hui comme le prouve la fin de la distribution par l'Oreal des produits Helena Rubinstein.
En 1955, Pond's va être acheté par la société qui possède également la marque Cutex devenant ainsi l'un des plus grands leaders de la beauté, désormais distribué dans tous les supermarchés. Peut-on faire plus démocratique ?
Produite jusqu'au début des années 80 dans son poudrier original, la poudre "Angel face" va considérablement perdre de son pouvoir attractif et de sa suavitude lorsqu'elle va rencontrer le plastique. L'objet que l'on achète désormais ne ressemble plus à celui qu'on avait toujours connu dans le sac de maman. Quelque chose vient de se briser.
Les belles histoires possèdent souvent une triste fin : désormais reléguée aux côtés des produits discount, la poudre "Angel face" de Pond's, si elle couvre toujours les imperfections sans éponge et sans eau se trouve désormais sous blister, ce qui évoque beaucoup moins les cocktails party et les pique-niques dans les Hamptons que son vert prédécesseur. Tout se perd ? Un peu? Quand même. Bonne fête maman !
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