lundi 2 août 2010

Les très suaves heures de l'histoire contemporaine : le jour où Doris Day devint Mod !



En 1967, Doris Day est encore, mais pour la dernière année, la star féminine la plus populaire du grand écran et la plus grosse vendeuse de disques des Etats-Unis, ce qui est un exploit quand on a commencé sa carrière en 1948. Après avoir été la star de la Warner dans les années 50, elle s'est libérée de tout contrat d'exclusivité et a enchaîné les succès pour la Universal, la MGM ou la Fox, sous la houlette de son deuxième mari, Marty Melcher, qui dirigera sa carrière jusqu'à sa mort brutale en 1968. Diriger est un euphémisme puisque Marty Melcher s'occupait de tout : choix des scripts, des réalisateurs, des chansons, des directeurs artistiques, des arrangeurs des disques de son épouse, jusqu'à ses placements boursiers et immobiliers, si bien qu'une fois devenue veuve, Doris Day découvrira qu'elle n'a plus un centime des millions gagnés pendant 10 ans.

En tout cas, en 1967, Marty est encore aux commandes et c'est lui qui monte de A à Z le nouveau film qui doit contribuer à changer l'image de celle qui reste pour beaucoup la blonde la plus lumineuse d'Hollywood, pour d'autres, une actrice dont les films devraient être interdits aux diabétiques. On reproche en effet à Doris d'être trop sucrée, les critiques se moquent d'elle : Marty va changer tout ça.


Depuis les triomphes de "Charade" en 1964 et du dernier James Bond "On ne vit que deux fois" (6 fois plus d'entrées que le premier opus "Docteur No"), la mode est aux films d'espionnage, aux intrigues complexes, voires potentiellement incompréhensibles, mais permettant de promener le spectateur aux quatre coin de la planète, sur fond de musique groovy, agrémentée de jeunes femmes dénudées sans raison. Rien à voir, donc, avec l'univers de Doris Day, qu'on imagine mal dessoudant au silencieux des agents du KGB avant de plonger dans un jacuzzi avec l'héroïne.

"Caprice", dont le tournage commence fin 66, va pourtant être une copie conforme de tout cela, tout en étant un film de Doris Day, ce qui, sur le papier, aurait du se révéler inquiétant. On y croise donc des espions, des coups de feu, des cascades à ski et en hélicoptère, des jeunes femmes en bikini, des scènes de lit, des agents doubles et de la drogue ! Sauf qu'il s'agit d'un film de Doris Day. Doris incarne donc une espionne mais qui travaille pour une firme cosmétique et tente de dérober des brevets de déodorants et de laque empêchant les cheveux d'être mouillés. Elle navigue alertement entre les USA et l'Europe mais dans un Boeing orné de lustres XVIII à pampilles qui tanguent dangereusement au-dessus de sa tête et se lance à la poursuite d'un cruel magnat de la drogue qui vend ses stupéfiants sous forme d'une poudre de riz qu'on doit enflammer pour pouvoir l'utiliser. Et ce ne sont que les parties compréhensibles du scénario.

Car les spectateurs qui iront voir en salle "Caprice" s'accorderont sur un premier point : ce film est divertissant mais on ne comprend rien. Heureusement, ils s'accorderont sur un second point, qui demeure encore aujourd'hui la première remarque qui surgit lorsqu'on parle de "Caprice" : Doris Day n'a jamais été si spectaculairement habillée.


Loin d'être un inconnu, le couturier Ray Aghayan a déjà eu l'occasion d'habiller Doris Day dans deux de ses récents films mais il a surtout, à son actif, d'avoir réussi à glamouriser Judy Garland en lui dessinant des robes éblouissantes pour son mythique show télévisé qui durera de 1963 à 1964. Ayant par ailleurs crée les costumes du film "Our man Flint" avec James Coburn, délire bondesque psychadélique vers lequel "Caprice" louche plutôt deux fois qu'une, il est l'homme parfait pour s'occuper de Doris et tenter de lui donner un petit twist moderne.

De ce fait, les apparitions de Doris Day dans le film sont un festival mod très 1968, où défilent du vinyle, des bottes, du plastique, des capes, des lunettes Jackie O, des robes trapèze, des cols Mao et des pois, beaucoup de pois, énormément de pois. Interviewé récemment sur son travail avec Doris sur le film, Ray Aghayan se contentait de sourire, avouant tout juste qu'il ne comprenait plus vraiment le pourquoi du comment de certaines des tenues de l'actrice, façon détournée de dire "Oui, je sais, j'ai fait n'importe quoi !" Mais du n'importe quoi grande classe, absolument couture, forcément suave. Illustrations :

Dès sa première apparition, le ton est donné puisque pour se rendre au Jules Verne, en haut de la Tour Eiffel, afin de procéder à un échange de documents top secret, Doris pour un manteau qui fait mal aux yeux sur un ensemble caca d'oie, avec chapeau, sac et bottes coordonnés.

Débauchée par le directeur d'une puissante société de cosmétiques américaine, Doris découvre son nouveau lieu de travail dans un tailleur blanc sur blouse à pois avec empiècements sur jupe et col, chapeau blanc bordé de pois et, détail mystère, une ceinture rouge en plastique. Richard Harris semble inquiet.

Doris n'est pas là pour rire, elle doit en effet dérober la formule d'une laque révolutionnaire qui empêche les cheveux d'être mouillés. Pour se faire, elle va interroger le créateur de la dite-laque dans une robe à pois rouges ENORMES et bandeau coordonné, la tenue de toute bonne espionne qui se respecte.

Mais les choses se compliquent : le mannequin qui teste la laque magique est retrouvé inanimé dans son appartement, ce qui inquiète Doris, en copie Chanel rose mais accessoirisé d'une fleur XXL à la boutonnière et chapeau cloche mutant sur la perruque platine (l'actrice refusa de se décolorer les cheveux pour le film)

Doris doit donc faire le point avec son contact, ce qu'elle s'empresse de faire après avoir enfilé une robe jaune col Mao avec boutonnage sur le côté, gants blancs et lunettes damier, lui permettant de rester discrète dans un lieu public.

Le véritable créateur de la laque se trouvant vraisemblablement en Suisse, Doris s'y rend en collants rouges, gants et bandeau coordonnés, chemisier vichy blanc et rouge, rappel sans doute du manteau immaculé mais sans rapport avec le sac et les bottes en vinyle noir. Accordons-lui que le vinyle, pour la neige, est fréquemment recommandé.

Doris est cependant plus sage lorsqu'elle comprend qu'elle va devoir se rendre sur une piste de ski, celle-là même où son père a été tué. Elle prend donc soin de ne pas sortir sans sa cape à frange avec cagoule intégrée, son fuseau et un casque à poils que cherche encore un des gardes de Buckingham palace.

A présent plus de doute : on a tenté de la tuer à son tour, Richard Harris ne l'a sauvé qu'in extrémis d'une chute mortelle dans les Alpes grâce à son hélicoptère, quelqu'un l'a trahi mais qui ? C'est ce qu'elle va tenter de découvrir en se rendant chez son mentor, en robe-tablier grise sur sous-pull bleu électrique et, on le voit entre les mains du domestique qui l'introduit, manteau coordonné à la robe mais discrètement doublé de vison.


Son mentor lui ayant donné toutes les explications qu'elle attendait, c'est en robe blanche et vichy, coordonnée au manteau tout vichy rose et blanc qu'elle tend un piège au baron de la drogue qui a sans doute tué son père, alors qu'Interpol est tapi dans l'ombre. Tout cela se terminera à bord d'un nouvel hélicoptère, sans pilote, qui atterrira au somment de la Tour Eiffel. Ouf, la boucle est bouclée.


Conscients qu'ils tenaient là quelque chose de nouveau, les producteurs du film et Ray Aghayan décidèrent de commercialiser, sous forme de patrons, certaines de tenues de Doris Day. Ce ne fut pas un gros succès. Doris, elle, détesta le film, refusa d'en parler en interviews et, bien qu'elle en ait enregistré la chanson titre, décida d'arrêter les disques après cela. Elle tourna encore quatre films, s'engagea, afin de se refaire financièrement, dans le "Doris Day Show" qu'elle tourna, pour la télévision jusqu'en 1973 et se retira définitivement du show-business pour se consacrer à la défense des animaux. Mais : il resta quelque chose de "Caprice" dans la vie de l'actrice : un certain goût jusque là non développé pour les bottes, les pois et les associations un peu aventureuses. Ce qui n'est déjà pas si mal comme influence pour un navet.

1 commentaire:

★Bruno Lucas☆ a dit…

CAPRICE vient de sortir en Blu ray, c'est un ré-gal !!! Ha ha ha ha!