vendredi 19 juin 2015

La question suave du jour : comment se distinguer du commun des mortels ?

















Il y a de cela quelques années, lors d'une occasion très particulière, on nous fit un cadeau véritablement spécial, le genre qui dispense pour environ 30 ans les amis qui ont l'idée folle de vous faire un tel présent de vous dire combien ils vous aiment puisque la chose parle pour eux : une affiche de la comédie musicale de Stephen Sondheim "Company", signée par l'intégralité du casting original. 

"Company" est la première comédie musicale que nous ayons vu de notre vie sur scène ("Violettes Impériales" avec Mamie ne comptant pas puisque c'est une opérette, si si, c'est différent) et nous n'en sommes pas du tout sortis indemnes.  Ce fut un choc, énorme, une révélation, "Company", n'ayons pas peur, est notre buisson ardent du Mont Sinaï, après, plus rien ne fut comme avant. 


































Crée en 1970, "Company" était simplement la troisième oeuvre intégralement écrite, paroles et musique, par Stephen Sondheim qui avait déjà collaboré avec Bernstein ou Jule Styne sur "West Side Story" ou "Gypsy". La première, "A funny thing happened on the way to the Forum" en 1962 avait été un succès mais comme véhicule pour son interprète principal, Zero Mostel. La seconde, avec en vedette Angela Lansbury, pour la première fois sur scène, avait disparu après 9 représentations. 

"Company" est donc en quelque sorte le premier spectacle Sondheim caractéristique, celui qui annonce "Follies", "Into the wood", "A little night music" ou "Sweeney Todd", une comédie révolutionnaire lors de sa première puisque sans véritable histoire et composée de scénettes quasiment interchangeables. 



















Evidemment, on sait aujourd'hui ce qu'il advint de ce spectacle : une vedette, Dean Jones, qui quitte le show après quelques semaines, un remplaçant, Larry Kert, qui lui se retrouve nommé pour un Tony mais ne figure pas sur l'album original, deux ans à l'affiche de l'Alvin Theater et le sujet d'un documentaire extraordinaire sur l'enregistrement du disque, supposé être le pilote d'une série sur la conception des "original cast albums" qui s’arrêtera après cet unique épisode. 

Après son succès, "Company" partira en tournée, avec George Chakiris dans le rôle titre, sera repris de multiples fois, remportera à chaque fois des brouettes de prix. C'est d'ailleurs le premier spectacle qui offrit un Tony à Sondheim. En 2007, 37 ans après sa création, la reprise de "Company" obtenait le Tony du meilleur revival. 


















Vous nous en voudriez si nous n'en parlions pas, "Company", c'est aussi évidemment Elaine Stritch, pour laquelle on écrivit expressément le rôle de Joanne et la chanson "The ladies who lunch" qui est, avec le "I'm still here" de "Follies", l'hymne absolu non seulement sondheimien mais de Broadway tout court.

Existe-t-il une seule comédienne de plus de 15 ans qui n'en ait pas proposé son interprétation ? 



Et de messieurs également, nous empressons-nous d'ajouter.

Mais revenons au sujet du jour. Il y a quelques années donc, on nous offrait une chose trop belle pour exister, c'est à dire ceci :

































En 1993, quelqu'un fut assez fou pour envisager de remonter, en version concert, "Company" avec le casting original et donc Dean Jones, pour 2 représentations qui remportèrent un tel succès qu'on recommença pour 3 nuits de folies. Le tout se déroula au Lincoln Center, en faveur de la lutte contre le Sida.

C'est cette affiche que nous sauverions en cas d'incendie, le reste n'ayant vraiment aucune importance.























Inutile de vous dire que nous nous égarâmes durant de longues heures dans la contemplation de ce qui est autant un document historique que la Déclaration d'Indépendance américaine, tous ces noms, ces signatures, non vraiment, il était pratiquement inconcevable qu'une telle merveille existe vraiment.

Et soudain le trouble, l'abysse : et Elaine ? Nous parcourions les noms, rien. Sa signature manquait. Comment était-il envisageable que Elaine Stritch n'ait pas signé ? Envisageable, même qu'on n'ait pas songé à la harceler, menacer de mort sa famille afin de rendre ce poster complet ?













Et soudain la délivrance : Elaine était là, sous nos yeux. Elle était simplement dans le rouge, quand tout le monde était logiquement dans le blanc.

Comment donc se distinguer du commun des mortels ? En faisant ce que précisément le commun des mortels ne ferait pas : choisir de se rendre à la fois illisible et unique. Nous y pensons chaque jour en rentrant chez nous.


7 commentaires:

pruneauxyz a dit…

Vous avez des amis merveilleux, mais vous le méritez forcément ! Oui, c'est un choc sur le crâne, cet artiste-là.

Anonyme a dit…

mon dieu, je défaille! ...vite, mes flacons de sels!!!!
Moi qui pensais naïvement avoir le saint Graal pour un simple Playbill signé Bernadette Peters, pour un crevé poster de Sweet Charity signé Chita Rivera, Non, là vraiment, je ne fais pas le poids dans la compétition!!!

Anonyme a dit…

'A matinee, a Pinter play, perhaps a piece of Mahler's.' ...I thought Mahler's was a pastry shop on Broadway. 'Mahler's Pastries,' 47th Street and Broadway. :-D

soyons-suave a dit…

:)

pruneauxyz a dit…

Au fait, qu'est-ce qui vous " perplexifie " dans le revival de Company avec ce cher Raul ??

soyons-suave a dit…

Ah :) Rien de grave, simplement perplexes d'avoir autant détesté cette production.

pruneauxyz a dit…

Allons-bon ?!