dimanche 19 juin 2011

La question du jour : est-il suave ou pervers de collectionner les poupées en papier ?



Le succès toujours en rendez-vous des posts illustrés d'une poupée en papier (ou "silhouette à découper" ou "paper doll" pour les anglophiles) nous a alerté sur la nécessité de consacrer un peu de temps à cet étrange jouet qui plaît autant aux petites filles qu'aux messieurs aimant les faire sauter sur leurs genoux.

Inutile sans doute de nous aventurer dans une longue présentation, les poupées en papier sont ces silhouettes peintes ou imprimées, accompagnées d'une garde robe et d'accessoires permettant de vêtir et dévêtir la dite silhouette à volonté. On les trouve en deux ou trois dimensions, la plupart sont en papier épais, parfois cartonné et généralement, elles sont pourvues d'un socle replié permettant de les faire tenir debout.


Si depuis des milliers d'années, et aux quatre coins du globe, on a, à des fins ludiques ou pour accompagner quelques rites étranges et terrifiants, découpé des silhouettes et les tenues qui vont avec, notons bien évidemment que l'apparition des "paper dolls" est intimement liée à l'invention du papier, sinon on les appellerait des poupées de silex et elles n'auraient peut-être pas eu le même succès.

Pourtant, c'est à partir du XVIIIème siècle, en Europe (France, Allemagne, Angleterre) que va naître l'objet tel que nous le connaissons aujourd'hui : une petite chose fragile d'une dizaine de cm, destinée à occuper les petites filles et à les initier au maniement des ciseaux qui leur seront bien utiles plus tard pour leurs travaux de couture.


L'explosion des silhouettes à découper intervient à la fin du XIXème siècle lorsque des publications vont régulièrement en proposer. Nous sommes en plein âge d'or des quotidiens, les journaux doivent fidéliser leurs lecteurs. Le Herald Tribune invente madame Herald qui chaque semaine dans le supplément du dimanche reçoit une nouvelle tenue. Il devient brusquement impossible de manquer la nouvelle robe, le dernier manchon, l'ultime chapeau. Et il est évident qu'on ne peut laisser madame Herald en camisole.

Dans les années, 50, la poupée de papier aux Etats Unis revient à sa fonction première lorsque le magazine McCall introduit une charmante enfant, la petite "Betsy McCall", ravissante en culotte et que chaque numéro de la revue habille en fonction de la saison. Betsy est primesautière en corsage vichy au printemps, charmante en robe à smoks à l'automne et un peu perturbée à Noël en découvrant que son frère aime les slips panthère.


Pendant 20 ans, des années 30 à la fin 50, la poupée de papier est partout, c'est le porte-clef des années 60 ou les pins des années 80. Elle se décline en magazine, en publicité, on en offre dans les stations service et elle illustre presque tous les livres jeunesse. Mais elle mûrit également, disons qu'elle passe allègrement l'adolescence et la petite fille est souvent remplacée par une charmante jeune femme aux culottes plus ajustées et évidemment accompagnée désormais d'un soutien-gorge.

En fait depuis les années 30, la silhouette à découper s'est attaquée à un autre public plus adulte et les pinups remplacent souvent l'écolière. L'une des premières personnalités a avoir eu sa représentation en carton était la reine Victoria. En 1950 tout Hollywood se découpe.




Venons-en à ce qui nous intéresse aujourd'hui à savoir le positionnement à adopter face à cet objet d'apparence innocente et que peut-être vous avez décidé de collectionner. A première vue, si vous avez plus de 8 ans, l'énergie que vous allez consacrer à rechercher des enfants en slip peut sembler par certains aspects suspecte.

Soyons-Suave étant suave par essence, nous ne jugeons jamais nos suaves visiteurs mais tenons tout de même à vous rappeler qu'à moins de travailler à une thèse sur l'évolution des sous-vêtements ou au département archive de Petits-Bâteaux, vous risquez de faire se lever plus d'un sourcil en exposant vos trésors : la société n'est pas prête et si c'est ce type bien précis de "paper dolls" qui vous intéresse, sachez qu'il existe en pharmacie de très bons castrateurs chimiques.




On peut également s'étonner de votre engouement pour un objet en papier c'est à dire à la durée de vie limitée et sur lesquels peuvent fondre à tout moment, comme les sauterelles sur l'Egypte, le feu et les mites. Se passionner pour les silhouettes à découper c'est avouer un certain penchant pour le masochisme ou les causes perdues. Cela vous apportera vraisemblablement de nouveaux amis, ne soyez simplement pas surpris en découvrant qu'ils souhaitent parfois vous faire mal. Ce n'est en rien une menace mais au contraire un signe d'affection.

Heureusement le monde de la poupée plate est très diversifié et vous avez la possibilité de courir après des modèles qui ne soient pas prépubères. Privilégiez alors le sujet inattendu, la silhouette incongrue plutôt que la "paper doll" ancienne également susceptible de vous entraîner en prison. Vous y gagnerez en tranquillité et votre budget vous dira merci : les poupées "Twilight", "Mad Men" ou évoquant l'Histoire récente coûtent beaucoup moins cher qu'un bébé victorien.



Finalement, pour peu que vous sachiez choisir une thématique sans danger, la "Paper doll" s'avère un objet de collection assez suave puisqu'il est dans l'ensemble assez peu onéreux, plutôt pop, il ne vous encombrera pas longtemps (en cas de lassitude un dégât des eaux est assez simple à organiser) et du temps de son vivant, vous autorisera une certaine amplitude puisqu'il se range dans une boite à chaussures.

Voilà pourquoi il a été décidé à l'unanimité lors du dernier conseil de rédaction que la silhouette à découper se devait de faire son entrée sur Soyons-Suave. Puisque le lundi est Quizz et string, le mercredi LGBT et le dimanche brésilien et infirmier, retrouvez désormais chaque mardi et jeudi un peu de découpage. Le premier sera royal. A vous de choisir de suaves ciseaux.

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