25 Avril 2010, c'est à dire aujourd'hui, personne n'ignore que nous célébrons le 93ème anniversaire de la naissance d'Ella Fitzgerald ! Vous pouvez bien sûr préférer commémorer la naissance, quelques siècles plus tôt, de Louis IX, fils de Blanche de Castille mais ce n'est pas ce qui nous intéresse aujourd'hui. Recentrons-nous sur Ella, que Frank Sinatra voyait comme son double, Ella au succès unique, considérant sa couleur et l'époque où elle débuta, ce qu'elle doit en partie à Marilyn Monroe.
En 1955, en pleine retraite new-yorkaise, loin des studios hollywoodiens qui l'exploitent, Marilyn ne s'adonne pas qu'aux cours de l'Actor Studio, elle s'immerge totalement dans l'une de ses passions, en plus du champagne et des candidats à la présidence américaine : le jazz. Et parmi les gens qu'elle rencontre, celle qui l'impressionne le plus est Ella Fitzgerald, à qui elle annonce, lors de leur première entrevue, que c'est en l'écoutant qu'elle s'endort le soir et grâce à elle qu'elle s'éveille le matin. Ella, qui désira toute sa vie être d'une beauté renversante, en fut émue. Une amitié était née.
Aussi la même année, lorsqu'il vient aux oreilles de Marilyn qu'on interdit à sa nouvelle amie de se produire dans les grands clubs de Los Angeles, elle décide d'intervenir. Téléphonant immédiatement au propriétaire de son club favori, le Mocambo, elle lui fait la proposition suivante : d'être tous les soirs au premier rang et d'accepter que la presse en soit avertie, s'il accepte d'engager Ella. On ne refuse pas une telle offre : Ella fut signée pour 5 soirs, devenant la première chanteuse noire à fouler la scène d'un club ultra chic aux Etats-Unis, Marilyn fut présente durant tout l'engagement et le Mocambo s'offrit sa plus grande publicité depuis le premier concert solo de... Frank Sinatra, en 1943.
En 1961, Marilyn était également assise devant la scène pour les débuts d'Ella au Club Crescendo, autre bastion des entertainers blancs. Mais la chose semblait déjà moins avant-gardiste : en moins de 10 ans, Ella était devenue la chanteuse préférée des américains, réenregistrant presque tout le répertoire populaire dans sa série des Songbooks pour Verve. Cela ne l'empêcha pas de clamer, jusqu'à la fin de sa vie, qu'elle avait, pour toujours, une dette envers Marilyn qui lui permit d'atteindre une notoriété jusque là jamais atteinte par une artiste de couleur.
En 2005, la dramaturge Bonnie Greer consacra une pièce à l'histoire du Mocambo et creusa les nombreux liens qui unissait deux femmes en apparence sans point commun et finalement assez semblables, de leurs enfances cahotiques à leurs rapports compliqués avec la maternité, en passant par leurs désirs d'être autre chose que ce qu'elles étaient. Mais ne glissons pas vers l'analyse psychologique de gens décédés, ce qui n'est jamais une bonne idée un dimanche soir. Retenons plutôt que Marilyn et Ella ont suavement partagé 5 chansons, ce qui ne peut pas être un hasard.