Imaginons. Nous sommes dans les années 50. Vous êtes jeune, vous êtes belle, vous êtes déjà formée... ah oui : et vous êtes de sexe féminin. Si en plus vous possédez une ébauche de talent dans un domaine artistique quelconque : chant, danse, comédie, natation, patinage artistique : vous pouvez prétendre à devenir une grande star à Hollywood. Il vous reste cependant quelques formalités à accomplir : changer chez vous ce qui n'est pas cinématographique (dents, cheveux, nez, oreilles...), passer un moment dans le bureau du directeur du studio prêt à vous prendre sous contrat et vous faire rebaptiser, si d'aventure vous êtes née avec un patronyme ridicule. Lucille leSueur ou Emilie Chauchouin, c'est tout de même moins suave sur une affiche que Joan Crawford ou Claudette Colbert, pour ne prendre que ces deux exemples.
Vous pensez, une fois tout cela fait, que vous allez enfin pouvoir passer devant les caméras : que nenni. La plus grande des épreuves vous attend : la séance de photo publicitaire ! C'est elle qui va créer le mythe, définir l'image dont vous allez parfois être prisonnière pendant des années, mais en tout cas faire de vous une déesse.
La petite Clara Collier va suivre ce parcours en arrivant de son Texas natal et c'est sous le nom d'Ann Miller qu'elle va devenir la reine incontestée des claquettes au féminin au sein de la Métro Goldwin Mayer. Elle va donc être photographiée inlassablement, à un détail prêt. Alors que la plupart de ses consoeurs vont avoir droit à des portraits impeccables, sublimement éclairées et parfaitement maquillées, Ann va devoir affronter, au cours de ses séances, divers objets et mises en scène dont le sens reste, encore aujourd'hui, un peu mystérieux. Ne lui faisait-on pas assez confiance ? Voulait-on faire d'elle l'impératrice de l'accessoire, quand une paire de chaussures aurait été suffisante ? Quoi qu'il en soit le résultat est là, et c'est ce qui distingue l'apprenti-starlette de la grande actrice, Ann est, en toute occasion, absolument suave.
Avec une grosse horloge posée à terre marquant bientôt minuit.
Avec non pas un mais deux violoncelles.
Entourée de portes battantes donnant sur un mur.
Avec un perroquet dessiné mais qui lui a aimablement offert quelques plumes qu'elle s'est empressée de transformer en chapeau.
En compagnie d'un militaire lisant un journal sur une plage assis sur une chaise neo-empire.
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