Prévoyant peut-être une escapade américaine lors de futurs congés, il est fort possible que vous optiez pour une visite incontournable à New-York et que la tentation soit forte de vous faire prendre en photo devant la Statue de la Liberté. Permettons-nous un conseil : évitez !
Expliquons cela : tout d'abord et contrairement à ce qu'on croit encore aujourd'hui, la dite statue n'est pas au beau milieu de Manhattan et nécessitera un tour en ferry, de ce fait, le cadrage du monument est souvent aléatoire, vous y êtes, de plus, rarement seul et enfin, une personne suave ne s'adonnera pas à la blague de la perspective. Vous l'avez sans doute déjà fait à Pise, inutile de recommencer. On ne coince pas un monument ou une personne entre le pouce et l'index, c'est ridicule.
Comme vous n'avez pas non plus l'intention de vous affubler d'une coiffe en mousse ou de vous livrer à quelques délires exhibitionnistes, Soyons-Suave vous propose une alternative hautement plus suave qui consiste à vous rendre à Pittsburg, en Pennsylvanie, très simple par le train, de là, de suivre la route 381 jusqu'à cette petite chose devant laquelle vous avez l'assurance que personne ne baissera son short : la "Fallingwater" de Frank Lloyd Wright, autrement appelée "la maison de la cascade" ou encore "Je m'appelle Edward J. Kaufmann, je suis très riche et j'aime les belles maisons".
Commandée en 1935 à l'architecte alors âgé de près de 70 ans et alors considéré comme en fin de carrière, La Fallingwater doit autant au futur concepteur du musée Guggenheim de New-York (que Wright dessinera en 59, preuve qu'il en avait encore dans le stylo, ce qui n'est pas une expression familière mais du langage architecte...), qu'à son commanditaire, le très riche Edward J. Kaufmann, propriétaire d'une chaîne de grand magasins, mécène et amoureux des arts.
Kaufmann était passionné par l'architecture et avait les moyens financiers de faire réaliser ce qu'il appelait ses visions, des apparitions mentales de lieux en harmonie avec la nature, privilégiant l'espace, la circulation et dans lesquels la vie serait forcément plus belle. Possédant déjà une forêt percée d'une cascade, il eut aussitôt envie d'y adjoindre une résidence qui serait sa retraite dans les bois, comme il demandera à Richard Neutra d'élever pour lui une ode au désert à Palm Springs lorsqu'il y acheta un grand lopin de sable et de cailloux, la future "Kaufmann House" en 1946.
La Fallingwater, qui restera dans la famille Kaufmann jusqu’à ce que le fils, architecte et ancien élève de Wright, ne la cède à l'état américain en 1963 pour en faire un musée, est sans doute la demeure la plus suave qui soit au monde et nous ne faisons pas de déclaration tonitruante en écrivant cela. Elle est considérée, non seulement comme la plus belle oeuvre de Wright, mais également comme la maison la iconique du monde, la plus belle oeuvre architecturale des Etats-Unis, d'après l'association des architectes américains et un des 28 lieux à visiter avant de mourir par la Smithonian Institution.
Peut-être parce qu'elle est à deux heures de Pittsburg, elle n'est visitée que par 120 000 personnes par an ce qui est un gage de sérénité pour votre escapade et puisque ce n'est finalement qu'une maison, elle n'intéresse que de suaves individus, près à traverser la Pennsylvanie afin de la fouler du pied quant ils pourraient être à Vegas. Logiquement elle ne se décline ni en stylos qui bougent, ni en boites à cookies, mais en édition spéciale Lego et éventuellement en génoises, prêtes à ravir, à l'heure du dessert ou du thé, petits et grands.
Pour revenir à ce qui nous occupe en cette fin de journée, la Fallingwater est l'alternative idéale à la Statue de la Liberté, si vous souhaitez ramener de votre voyage une seule photo mais la bonne, puisqu'elle est tout ce que l'autre n'est pas. Tout d'abord rien ne bouge autour d'elle, ce qui est toujours appréciable, même lorsqu'on possède un très bon appareil. Ensuite parce qu'elle s'offre sous un angle assez tordu, qui impose une pause solitaire, éventuellement en couple, peut-être en famille mais dans ce cas peu nombreuse. Et puis enfin parce qu'elle occasionne un stupide sourire de contentement, entre "Je suis chaviré par tant de beauté" et "Pourquoi déjà suis-je en Pennsylvanie ?". C'est bien simple, personne n'y échappe.
5 commentaires:
MAGNIFIQUE !! Merci Monsieur Suave, c'était un plaisir des yeux.
Et si vous avez toujours un rein ou vos parents à vendre (même si elle est moins suave que la Fallingwater): http://www.savewright.org/index.php?page=33&id=107
Hélas, nous n'avons plus qu'une vieille tante et il nous sera difficile de nous en séparer...
J'ai cru reconnaître Guy Pearce & Hugo Weaving devant la maison ? Est-ce un effet d'optique ?
@ soyons-suave: Évidemment. Je n'ai jamais douté de l'intérêt et de l'active protection de soyons-suave pour les vieilles tantes! Et vice-versa.
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