C'était le 115e numéro de "Soyons-Suave Weekend" et ce fut un plaisir.
samedi 26 décembre 2015
Les très suaves Heures de l'Histoire Contemporaine : le jour où un château de la Loire devint la coqueluche des bars new-yorkais.
En cette fin des années 50, NJ Cooper, que ses amis aiment appeler Sky pour des raisons que nous ne sommes pas parvenus à élucider, se promène en France et décide de visiter, ce qui est bien naturel, les châteaux de la Loire. Sky est un jeune américain qui possède une particularité : il est le plus jeune fils d'une longue lignée d'hommes ayant fait fortune dans l'alcool aux USA, le tout remontant à la Prohibition et à son grand père qui livrait de la bière dissimulée dans des tonneaux de harengs marinés.
Si Sky sait qu'il va être amené à entrer un jour dans l'entreprise familiale et vendre des boissons qui rendent joyeux, il n'est pour le moment qu'un jeune homme séduit par l'art de vivre hexagonal qu'il découvre pour la première fois, jusqu'à ce qu'on lui serve dans une auberge une vieille chose datant de 1685, à base de framboises, de mures et de cognac : de la liqueur royale de Chambord, crée, dit-on, en souvenir de la visite de Louis XIV dans le château du même nom. Et là, c'est le choc.
Devenu employé de la Charles Jacquin et Cie, Sky va travailler sur différents produits sans parvenir à oublier cette merveille bue un soir d'été qu'il décide de faire acheter par la société. La maison qui produit la liqueur de Chambord est une entreprise familiale, qui ne résiste pas à l'offre très alléchante de la grosse firme américaine. Sky a désormais entre les mains un produit qu'il a bien l'intention de rendre très populaire.
Sans aller jusqu'à dire que c'est là l'un des premiers exemples de marketing moderne, la liqueur de Chambord va être lancée aux USA à la fin des années 70 comme un produit d'exception, dont Sky a repensé la bouteille en forme de sceptre de couronnement à Reims (la bouteille a depuis perdu sa couronne), et a insisté pour que soit conservé l'intégralité du nom français. "Liqueur Royale de Chambord". C'est vraiment très chic, et comme en plus cela va avec tout...
Dire que le succès est immédiat serait encore en dessous de la réalité : dès le début des années 80, on estime que les deux tiers des cocktails proposés dans les bars huppés de Manhattan ou downtown Los Angeles sont à base de Chambord, l'équivalent de la folie Cointreau dans les années 20.
Tout le monde boit de la liqueur de framboises ou souhaite posséder un peu de cet élixir so french. C'est la folie des produits dérivés, toujours aux Etats-Unis, puisqu'en France, la chose semble être totalement ignorée.
Fait plutôt rare dans le monde des spiritueux, la liqueur de Chambord va rester suffisamment à la mode pour traverser les décennies (quand le Fernet Branca prend la poussière chez mamie) et offrir ainsi à Sky Cooper la possibilité d'envisager une retraite paisible en étant vendue en 2006 à un autre groupe pour la somme de 250 millions de dollars.
Désormais à l'abri du besoin, Sky Cooper ne sait pas, alors, qu'il est sur le point de nous offrir l'une des belles histoires du weekend les plus alcoolisées depuis la création de Soyons-Suave Weekend. Car en vendant la liqueur de Chambord, Sky Cooper décide d'offrir une petite partie de ses bénéfices à ses deux fils, Robert et John, afin qu'ils se lancent, à leur tour, à la découverte du nectar qui fera leur bonheur. Robert et John ont passé la trentaine, ils travaillent depuis toujours pour leur père. Détail important, ils ne se supportent pas. Le don généreux de papa leur apparaît aussitôt comme un défi à relever.
Robert Cooper va être le premier à se lancer dans l'aventure à la suite d'un dîner dans un grand restaurant londonien où il se trouve en voyage d'affaires. Le barman lui propose son cocktail du jour, à base de sirop de sureau, très à la mode en Angleterre dans les années 2000. Robert est séduit par cet "elderflower" terriblement fruité et au goût si particulier. Il commence à se renseigner sur la chose et se retrouve en France où, lui dit-on on travaille le sureau comme nulle part ailleurs.
Et c'est ainsi qu'il achète une petite exploitation, fait faire des tests de distillation (fleurs ou feuilles, feuilles ou fleurs ?), arrange, combine et donne naissance à la Liqueur Saint Germain Délice de Sureau, qui sera lancée en 2007. Rien n'a été laissé au hasard et les trucs de papa pour lancer la Chambord ont été retenus : la bouteille ressemble à un flacon Guerlain, on a ajouté sur l'étiquette, en français "Vie parisienne en bouteille" et le site web qui accompagne le lancement ressemble à un film de Marcel Carné avec des décors d'Alexandre Trauner.
Triomphe absolu ! Dans l'année de sa sortie, la liqueur Saint Germain reçoit le prestigieux prix de Liqueur de l'année aux USA, Robert fait circuler d'antiques combi Citroen transformés en bar roulant dans New York pour se faire connaître, mais aussi des triporteurs, et des vélos qui sont vendus sur Internet. En quelques mois Saint Germain est partout et, chose rarissime, les barmans adoptent instantanément les cocktails proposés par la marque, quand d'ordinaire ils les confectionnent eux-mêmes.
Alors que Robert goûte son succès, il ignore que son frère John est au Vietnam en mission secrète. Moins impulsif que son cadet, John a farfouillé dans les archives de la société familiale et a déterré quelques brevets qui n'avaient rien donné, parmi lesquels une liqueur chinoise que son père avait tenté de lancer dans les années 90 sans succès et qui n'est même plus fabriquée en Chine depuis 1997. John pense cependant qu'il y a quelque chose à faire, nous sommes en pleine folie culinaire "fusion asiatique", on ne mange plus rien sans citronnelle, yuzu ou gingembre et cela tombe bien, sa liqueur est à base de ce dernier ingrédient.
En 2008, soit un an après la Saint Germain de son frère Robert, John Cooper lance avec fierté la liqueur Domaine de Canton qui ne ressemble plus vraiment à la recette originelle. Il a trouvé au Vietnam un producteur de jeunes pousses de gingembre particulièrement goûteuses et il est allé, lui aussi, faire ses emplettes dans le terroir français en achetant, près de Jarnac, un petit domaine de Cognac.
Cela n'était pas évident sur le papier mais John a découvert que Gingembre plus Cognac égal miam, ou slurp évidemment. Il ajoute une jolie bouteille en forme de bambou qui va remporte le prix du design dès sa sortie, un nom français qui sent bon le temps des colonies, ajoute "french ginger liqueur" sur l'étiquette et voilà. L'année de sa sortie, la Liqueur de Canton remporte le prestigieux prix de Liqueur de l'année aux USA. Plus une quantité d'autres médailles.
Depuis, la Saint Germain et la Canton se livrent une guerre sans merci pour devenir la meilleure amie des barmans du monde entier et si Saint Germain a une longueur d'avance, à tel point que Robert vient de revendre la marque au géant Bacardi pour une fortune, John peut se vanter d'être le papa de l'ingrédient mystère qui ravit les amateurs de martinis et dont on murmure le nom entre aficionado. La Canton est donc culte, dirait-on. En tout cas elle est forte.
Voici donc la très étrange et suave histoire d'un père et ses deux fils qui en utilisant les mêmes ficelles, ont par trois fois donné naissance à de petites merveilles. Car, et c'est finalement cela le plus intéressant, la Chambord, la Saint Germain et la Canton sont toutes les trois de merveilleux breuvages qui rendent fous et terriblement dépendants. Et nous pouvons en parler en connaissance de cause puisque le Père Noël nous a justement apporté la famille au grand complet il y a moins de 24 heures.
Détail irrésistible pour finir, nous conseillons tout de même aux frères Cooper de ne pas trop tenter le diable, c'est du moins ce qui nous a traversé l'esprit en apprenant que, maintenant riche à millions mais dépossédé de sa Saint Germain chérie, Robert avait tout remisé sur une nouvelle création.
C'est une vieille recette dépoussiérée, c'est terriblement français et férocement vintage. Cela commence surtout à être très original non ? Enfin, du moment que c'est bon en long drink...
Et maintenant dansons !
La touche Brazil sans laquelle un weekend n'est pas totalement suave est restée enfermée dans un placard pendant 43 ans jusqu'à ce que Barbra se souvienne qu'un jour de 1969, elle s'était attaquée à une composition de Jobim. Rencontre historique, n'ayons pas peur des mots.
C'est le weekend : soyons musical !
Puisqu'il est évident que nous sommes au printemps et non le 26 décembre comme certains calendriers voudraient désespérément nous le laisser croire, les mp3 du weekend ont décidé de se laisser, eux-aussi, emporter par cette douceur ambiante en célébrant ce genre, suave s'il en est, qui fit le bonheur des fabricants de protections solaires mais pas celui, si on en croit la rumeur, de l'industrie du déodorant : la sunshine pop.
Quelques bribes d'informations pour qui se sentirait dores et déjà dépassé : la sunshine pop est un terme qui désigne, a posteriori, la variété, américaine mais pas que, née du croisement improbable entre Burt Bacharach et les Mamas and the Papas. En quelques mots : c'est terriblement mélodique, souvent chanté à plusieurs, d'une légèreté affolante, porté par des paroles qui mettent en avant les mots suivants :"sunshine" évidemment et ses dérivés "sun", "happy" ou "California", mais également "sunday", "love" et "lovely day", souvent attachés, d'ailleurs. Exemple, pour vous prouver que non, nous ne racontons pas toujours n'importe quoi :
Courant, à la truelle, de 1966 à 1972, la Sunshine pop permit de mettre en lumière de sympathiques formations, de 3, 4, 5 ou 6 personnes, selon le principe bien connu du "plus on est de fous, plus on rit" (au soleil) et qu'on n'est jamais assez à agiter un tambourin sur la plage.
Attention cependant, la Sunshine pop attira également dans ses rayons des interprètes d'une certaine stature qui avaient, eux-aussi, envie de courir dans les prés en robe Laura Ashley indépendamment de leur sexe... entendez de leur genre, bien entendu. On y croisa donc Lesley Gore en recherche de rebond post "It's my party", Claudine Longet très Brazil ou les Lennon Sisters. Mais guettez aussi le jeune Peter Allen avant qu'il n'aille à Rio et n'épouse Liza Minnelli, c'est délicieux.
Petite anecdote : notre rencontre avec la Sunshine pop, née bien avant nous, précisons-le, s'est déroulée de la façon la plus inattendue qui soit ce qui n'en ajoute que plus de saveur à cette histoire. A une époque où nous achetions des disques comme on gobe des M&M's un jour de dépression ou de manque de cacahuètes, nous étions repartis de chez notre disquaire préféré avec sous le bras (c'était un 33 tours), ce que nous pensions être l'album à la pochette la plus monstrueuse du monde.
Prêts à rire à gorge déployée, une fois le diamant posé sur le sillon, plus de rire mais une envie de faire des colliers en perles de bois et pâquerettes et de marcher pieds nus dans le frais cresson bleu. La chose se nommait Eternity's Children et c'est depuis un de nos disques "île déserte".
Voici donc 14 merveilles bercées de rayons U.V., que vous apprécierez en buvant ce que vous voulez et qui se prêtent parfaitement à un de nos jeux adorés : le drinking game, consistant à vider son verre, dans le cas présent, dès que entendrez une harmonie un peu surprenante, un instrument mystère ou le mot "sunshine" si vous avez le foie solide.
1. Dave Grusin - California
2. The Hobbits - Sunny Day Girl
3. Claudine Longet - Who needs you
4. Chris and Peter Allen - Just Friends
5. Eternity's Children - Rumors
6. The Lennon Sisters - Green Tamborine
7. Heidi Brühl - The Drifter
8. Lesley Gore - 98.6
9. The Sandpipers - Misty Roses
10. Don Costa - Punky's dilemna
11. The Collage - Rainy blue memory day
12. Twinn Connexion - Oh what a lovely day
13. Nick de Caro - I'm gonna make you love me
14. Peppermint Rainbow - Will you be staying after monday
Et pour télécharger toute cette vitamine D au format zip, vous savez comment faire.
Attention cependant, la Sunshine pop attira également dans ses rayons des interprètes d'une certaine stature qui avaient, eux-aussi, envie de courir dans les prés en robe Laura Ashley indépendamment de leur sexe... entendez de leur genre, bien entendu. On y croisa donc Lesley Gore en recherche de rebond post "It's my party", Claudine Longet très Brazil ou les Lennon Sisters. Mais guettez aussi le jeune Peter Allen avant qu'il n'aille à Rio et n'épouse Liza Minnelli, c'est délicieux.
Petite anecdote : notre rencontre avec la Sunshine pop, née bien avant nous, précisons-le, s'est déroulée de la façon la plus inattendue qui soit ce qui n'en ajoute que plus de saveur à cette histoire. A une époque où nous achetions des disques comme on gobe des M&M's un jour de dépression ou de manque de cacahuètes, nous étions repartis de chez notre disquaire préféré avec sous le bras (c'était un 33 tours), ce que nous pensions être l'album à la pochette la plus monstrueuse du monde.
Prêts à rire à gorge déployée, une fois le diamant posé sur le sillon, plus de rire mais une envie de faire des colliers en perles de bois et pâquerettes et de marcher pieds nus dans le frais cresson bleu. La chose se nommait Eternity's Children et c'est depuis un de nos disques "île déserte".
Voici donc 14 merveilles bercées de rayons U.V., que vous apprécierez en buvant ce que vous voulez et qui se prêtent parfaitement à un de nos jeux adorés : le drinking game, consistant à vider son verre, dans le cas présent, dès que entendrez une harmonie un peu surprenante, un instrument mystère ou le mot "sunshine" si vous avez le foie solide.
1. Dave Grusin - California
2. The Hobbits - Sunny Day Girl
3. Claudine Longet - Who needs you
4. Chris and Peter Allen - Just Friends
5. Eternity's Children - Rumors
6. The Lennon Sisters - Green Tamborine
7. Heidi Brühl - The Drifter
8. Lesley Gore - 98.6
9. The Sandpipers - Misty Roses
10. Don Costa - Punky's dilemna
11. The Collage - Rainy blue memory day
12. Twinn Connexion - Oh what a lovely day
13. Nick de Caro - I'm gonna make you love me
14. Peppermint Rainbow - Will you be staying after monday
Et pour télécharger toute cette vitamine D au format zip, vous savez comment faire.
Vous n'allez tout de même pas sortir en cheveux ?
Ce n'est pas parce que c'est le weekend qu'il ne faut pas faire un effort. Faye Dunaway montre l'exemple et propose l'option "Sequins cousus main un à un".
Bienvenue dans "Soyons-Suave Weekend" !
Comme chaque samedi, ou presque, ou vraiment presque, Soyons-Suave devient "Soyons-Suave Weekend", c'est à dire la même chose mais en plus "fin de semaine", un supplément détente qui vous permettra, sans erreur, d'affirmer que, oui nous sommes samedi, crévindiou nous sommes dimanche.
Et au programme de ce 115e numéro d'entre fêtes : un chapeau, une idée repas, de la mode, des mp3 très très ensoleillés, une caresse, une belle histoire familiale et alcoolisée, une touche Brazil et du café.
jeudi 24 décembre 2015
Et maintenant chantons !
Avouons-le : le regard devient humide à chaque fois que nous visionnons cette vidéo. Dernier Noël de Judy Garland, une des dernières nouvelles chansons, la voix est un peu ailleurs mais quand même...
La question suave du jour : et elle est où la compilation 2015 ?
Suaves visiteurs, c'est vrai, l'équipe de Soyons-Suave s'est éclipsée sans vous prévenir, ce qui est pourtant contraire à tous nos principes. Mais parfois, outre l'occasion qui fait le larron, il y a l'escapade qui fait l'embrassade, ce qui ne veut pas dire grand chose mais rime.
Nous étions donc "à l'étranger" pour quelques jours mais avons cependant tenu à rentrer à temps afin de célébrer Noël en votre compagnie et vous livrer quelques mp3 de circonstance, comme nous le faisons depuis 2009.
Si vous pouvez retrouver l'essentiel (ou presque) de nos suaves compilations en suivant le label "Xmas", vous vous rendrez compte que nos choix musicaux ont toujours été éclectiques, tout en refusant de tomber dans le Rat Pack chante Noël, dont tous les magasins de France vous ont copieusement dégoûtés depuis un mois.
Et là, vous nous voyez venir de très loin avec nos gros sabots.
Cette année, nous avons choisi d'aller piocher dans le catalogue du très suave label Capitol, dont nous vous racontions la fascinante l'histoire ici en décembre 2011. Comme il se trouve que dans les années 40 et 50, Capitol représentait le gratin de la musique populaire américaine, ne soyons pas surpris de retrouver Peggy Lee, Frank Sinatra ou Nat King Cole sur notre sélection 2015.
Mais n'oublions pas que Capitol fut aussi très swing, parfois jazz et surtout résolument harmonique, comment pouvait-il en être autrement, d'ailleurs, lorsqu'on est fondé par Johnny Mercer, qui mit en orbite les Pied Pipers et chantait rarement sans une douzaine de voix en accompagnement.
Nous allons donc swinguer avec Jo Stafford dont nous n'avons plus besoin d'ajouter à quel point nous l'aimons, chavirer avec June Christy ou sentir le vibrato de Kay Starr nous chatouiller doucement. Et ça, c'est Noël.
Nous testons cette sélection depuis 15 jours et nous en sommes très contents. Voici donc 15 boules à accrocher dans le sapin en vous souhaitant un très suave réveillon.
1. Capitol Records - Merry Christmas 1945
2. Kay Starr - December
3. Frank Sinatra - Mistletoe and Holly
4. Jo Stafford - The Christmas Blues
5. Nat King Cole - Mrs Santa Claus
6. Peggy Lee - Happy Holiday
7. Jan Garber and his Orchestra - Winter Wonderland
8. Johnny Mercer and the Pied Pipers - Santa Claus is coming to town
9. June Christy - Ring a merry bell
10. Nancy Wilson - What are you doing New Year's Eve ?
11. The Lettermen - The Christmas Waltz
12. The Beach Boys - Merry Christmas baby
13. Jo Stafford - Let it snow
14. Nat King Cole and Frank Sinatra - The Christmas song
15. Judy Garland - After the Holidays
Et pour télécharger un peu de neige au format zip, vous savez comment faire.
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