Le 16 novembre 1961, Barbra Streisand se rendit à une audition qui changea littéralement son existence, fit d'elle une star et lui permit même de trouver un mari et un père pour son fils à venir.
La chose se déroula sur la scène du St James Theater de New York, dans le courant de la matinée. Barbra Streisand connaissait parfaitement les enjeux de cette audition puisqu'on allait l'entendre pour un show du producteur David Merrick qui en 1960 avait eu 6 spectacles à Broadway. Merrick était l'homme de "Jamaïca" avec Lena Horne, "Irma la douce" avec Elizabeth Seal (Tony pour son rôle) et bien sûr de "Gypsy" avec Ethel Merman.
Le show en question pour lequel Barbra se présentait avait tout d'un futur succès : adapté d'un roman de Jerome Weidman, écrit en 1937 et porté à l'écran avec Susan Hayward en 1951, on murmurait que Laurence Harvey allait en tenir le rôle principal et que Arthur Laurents (West Side Story) dirigerait. Seule la dernière rumeur se révélera finalement exacte mais pour le plus grand bonheur de Barbra.
"I can get it for you wholesale" possédait un rôle principal masculin (féminisé pour Susan Hayward au cinéma) et deux rôles féminins à peu près équivalents : l'épouse compréhensive et la maîtresse, danseuse exotique de surcroît. Rien donc de véritablement destiné à Barbra qui en 1961 avait 19 ans, ne ressemblait pas à grand chose mais faisait très Brooklyn, un plus pour un show se déroulant dans le milieu juif de la confection.
A l'issue de son audition, il sembla évident à l'ensemble des gens présents qu'il était impossible de laisser repartir Barbra sans l'intégrer au casting. Personne n'avait encore jamais croisé un tel organe ni une telle personnalité. Mais il n'y avait pas de rôle.
On ressuscita donc celui de la secrétaire dévouée qui avait finalement été coupé mais qui, dans les premières ébauches de la pièce, avait même un solo, on décida que la dame en question qui devait avoir une cinquantaine d'années, aurait, entre les mains de Barbra, un âge indéterminé et on donna à apprendre à la nouvelle recrue son grand air, celui de l'acte 2 : "Miss Marmelstein".
"I can get it for you wholesale" se joua pendant 300 représentations et ferma ses portes déficitaire en décembre 1962. Un semi échec (ou un demi succès) dont on ne retint que la performance de Barbra Streisand qui chaque soir, avec "Miss Marmelstein", fit un triomphe. Barbra se retrouva même nommée pour le Tony de la meilleure comédienne dans un second rôle mais qu'elle vit repartir entre les mains de Phyllis Newman dans un autre show Merrick.
Ce n'est pas une révélation : cette audition et ce rôle font depuis longtemps partie de le légende Streisand, parce que "Miss Marmelstein" déclencha tout. Merrick et ses associés trouvèrent en elle l'interprète qu'il recherchait pour leur show sur Fanny Brice qui deviendra "Funny Girl" et fera de Barbra une véritable star, d'envergure internationale quand William Wyler l'adaptera à l'écran. Dans la foulée Columbia la prendre sous contrat, CBS lui offrira 5 émissions spéciales pour la tv, merci donc "I can get it for you wholesale".
Ce qui nous intéresse aujourd'hui est justement la légende ou comment une audition réussie transforma Barbra en phénomène, l'incarnation de la jeune femme qui n'avait à priori rien pour réussir et qui, en devenant en quelques mois une personnalité, changea la notion même de star.
Selon la version la plus répandue, Barbra se présenta ce fameux 16 novembre 1961 dans un invraisemblable manteau années 20 acheté aux puces et après avoir annoncé qu'elle était fatiguée de la veille, elle s'installa dans une chaise à roulettes qu'elle promena aux quatre coins de la scène tout en chantant. On la trouva formidable et Arthur Laurents nota l'idée de la chaise qu'il reprit dans sa mise en scène pour "Miss Marmelstein". Selon la version la plus répandue, Barbra se montra donc décomplexée et géniale, comment ne pouvait-elle pas réussir ?
Il existe cependant une version moins répandue de l'audition que l'on trouve par exemple dans le livre écrit par Barry Dennen qui en 1961 était le colocataire et vaguement le fiancé de Barbra. Le fameux 16 novembre, Barbra se serait présentée dans un invraisemblable manteau années 20 acheté aux puces dont elle se serait sauvagement débarrassé. Elle aurait chanté trois chansons, après quoi on lui demanda de revenir interpréter "Miss Marmelstein" devant Merrick qui n'était pas présent.
Rentrant chez elle, Barbra aurait longuement préparé "Miss Marmelstein" avec Barry qui lui aurait conseillé de chanter sur une chaise à roulettes, ce qu'elle fit et que tout le monde trouva formidable. Selon cette version moins répandue, Barbra se montra donc bonne élève et géniale. Comment ne pouvait-elle pas réussir ?
On trouve enfin une version beaucoup plus confidentielle de l'audition, dans l'autobiographie d'Arthur Laurents ou la biographie consacrée à David Merrick écrite par Howard Kissel. Le fameux 16 novembre, Barbra se serait présentée dans un invraisemblable manteau années 20 acheté aux puces qu'elle refusa d'enlever puisqu'elle rentrait à peine d'un dîner et portait encore une robe de soirée qui convenait mal à la situation.
Après trois chansons, on lui demanda de revenir pour interpréter "Miss Marmelstein" devant Merrick qui la trouva épouvantable mais céda à Arthur Laurents qui la trouvait, lui, formidable. Quelques semaines plus tard, Laurents lui proposa de chanter son grand air sur une chaise à roulettes ce que Barbra détesta mais elle s'exécuta. Lorsque "I can get it for you wholesale" ferma, un cri déchira les coulisses du théâtre, c'était Barbra hurlant "I'm free !". Selon cette version plus confidentielle, Barbra se montra donc insignifiante et légèrement désagréable. Comment pouvait-elle réussir ?
Deux choses sont cependant certaines : demandant beaucoup trop d'argent, Laurence Harvey fut écarté du casting et on lui préféra le jeune Elliott Gould dont Barbra tomba follement amoureuse pendant le show, à tel point qu'elle l'épousa quelques mois.
Mais surtout, quelle que soit la version et surtout quelle que soit la vérité, tout le monde s'accorde à noter le fameux manteau qui marqua finalement presque plus les esprits que l'audition en elle-même. Nous exagérons bien sûr mais cela méritait bien une photo.
Décevant ? Un peu... A quoi tiennent les légendes, franchement...
Que les gens sont méchants ! Barbra est incapable d'être désagréable.
RépondreSupprimer