En 1968, Sylvia Sidney, actrice un peu oubliée pour ne pas dire totalement dans les choux, vit son existence prendre un tour qu'elle n'aurait pu suspecter à la suite de la publication d'un ouvrage, encore aujourd'hui fort recherché.
Nous savons, vous et nous, que la célébrité tentée par les charmes de l'édition s'adonne généralement aux livre de recettes (voir ici) ou à ses mémoires. Dans des cas plus rares, l'actrice tente le manuel de séduction (Zsa Zsa) ou les conseils beauté (Arlene Dahl). Et de façon encore plus marginale, l'animateur télé peut avouer son amour pour la mécanique automobile (Jean-Pierre Foucault et la 2CV mais nous nous égarons).
Sylvia, elle, ne fit rien de tout cela.
La déclaration d'amour de Sylvia Sidney à l'art difficile de la tapisserie surprit plus d'une personne, d'autant qu'en parcourant les pages de la chose, on découvrait qu'il s'agissait pour l'actrice non pas d'une simple toquade mais d'une passion dévorante.
Et imaginer Sylvia affairée sur son canevas changeait considérablement l'image que tout le monde avait encore en tête : Sylvia affairée un fer à la main en train de repasser la chemise de son frère/mari/fils gangster, le rôle qui fit d'elle une star dans les années 30. Cela reste domestique, bien sûr, mais ce n'est pas exactement la même chose de s'occuper du linge sale que de broder des singes capucins sur des coussins.
De loin les yeux les plus tristes du cinéma américain et, d'après ses propres déclarations, payée "à la larme" par la Paramount qui ne voyait en elle qu'une victime idéale que le public adorait voir souffrir dans des films noirs, Sylvia Sidney, dont la carrière courut de 1929 à 1998 (!) connut en fait trois périodes distinctes. Elle fut donc la frêle héroïne broyée par la violence dans les années 30, puis une créature similaire mais plus glamour dans les années 40 et enfin la grand mère qui fume que tout le monde adore dans les années 80/90.
Dans la réalité, Sylvia Sidney était tout sauf une victime. Rapidement elle acquit la réputation d'être difficile parce qu'elle refusait les rôles qui ne l'intéressaient pas et contredisait ses metteurs en scène. Maîtresse et protégée d'un des patrons de la Paramount qui quitta tout pour elle et qu'elle quitta peu après, on la disait vénale. Mariée 6 petits mois à l'éditeur Bennett Cerf, futur créateur du monstre Random House, on la jugea volage.
D'après ce qui est expliqué dans son livre, Sylvia Sidney rencontra la tapisserie lors de son deuxième mariage, avec le comédien Luther Adler, frère de la célèbre coach Stella Adler qui apprit tout à Marlon Brando ou Robert de Niro. Les jeunes mariés voulaient un nid douillet sur la côte Est pour abriter leur amour, ils trouvèrent une ravissante bâtisse de 1780 mais comment meubler une telle antiquité ?
Convaincue qu'elle ne trouverait pas dans le commerce de tapis mettant en valeur sa maison, Sylvia Sidney se résolue à les faire elle-même, acheta des livres, suivit des conférences et rencontra celle qui allait devenir son mentor : une restauratrice travaillant pour les tapisseries du Metropolitan Museum of Art de New-York. Disposant à présent d'une technique de haut niveau, Sylvia n'avait plus qu'à broder, tisser, croiser les fils. Ce qu'elle fit jusqu'à sa mort.
Brodant à l'ancienne dans un style très colonial et passionnée des motifs animaliers, Sylvia Sidney parvint dans son livre à convaincre ses lecteurs que la tapisserie était fun et surtout accessible. On lui posa tant de questions suite à la parution de son ouvrage qu'en 1974, elle en fit paraître la suite, sobrement intitulée "La tapisserie, questions et réponses". Nouveau succès.
Et c'est alors que la belle histoire du dimanche s'envole : Sylvia Sidney contribua au renouveau de la broderie aux Etats-Unis, non seulement grâce à ses deux ouvrages mais surtout parce qu'on lui proposa de commercialiser des kits de broderie, à son nom, ce qu'elle accepta de bon coeur. Sylvia Sidney devint donc une marque, pour le plus grand bonheur des coussins et des ceintures.
L'image que le plus grand nombre garde de Sylvia Sidney est celle de Juno dans "Beetlejuice", qui contribua à la rendre incontournable dans les années 80. L'image que nous gardons d'elle n'est pas tirée d'une de ses collaborations avec Hitchcock, Lang ou Fleischer mais du téléfilm "Un printemps de glace", première fiction consacrée en 1985 au sida.
Elle y était la seule à comprendre les tourments d'Aidan Quinn. Ajoutez à cela qu'elle brodait comme une déesse. Sylvia Sidney est une femme Soyons-Suave.
Sur la dernière photo, Aidan Quinn a un faux air de Kim Rossi Stuart !
RépondreSupprimerC'est décidé, je me mets au point de croix !
RépondreSupprimer:)Et pour Kim Rossi Stuart, c'est saisissant.
RépondreSupprimerAidan Quinn avait vraiment beaucoup de charme...
RépondreSupprimerPruneauxyz.