lundi 13 juillet 2020

Et maintenant chantons !


Si vous connaissez un peu Soyons-Suave et notamment "Soyons-Suave en vacances", vous n'êtes pas sans savoir que nous aimons être cocardier la semaine du 14 juillet, qui tombe demain, aussi nous n'allons pas nous priver de vous proposer une saga musicale tricolore, même si ses origines se trouvent dans l'archipel des petites Antilles. 

Le point de départ de cette nouvelle aventure musicale commence en 1948, qui n'est pas l'année où nous avons entendu la chanson de la semaine puisque, non seulement nous n'étions pas né, mais nous n'étions même pas en projet. Il est même fort possible que les préoccupations d'alors de nos parents se situaient plus entre gagner des billes, avoir un vélo et connaître enfin sa table de 7, qui est, reconnaissons-le, un peu pénible. 

Peu importe, cette chanson est si populaire et fait tant partie de notre patrimoine musical qu'on peut l'entendre à tout moment, voilà pourquoi nous vous en proposant une version "agrémentée", tout le monde connaissant l'originale. 



Ainsi donc, nous allons parler de "Maladie d'amour" cette semaine, ce qui va nous donner l'occasion de vous présenter beaucoup de gens dont nous venons à peine de faire la connaissance et dont nous n'avions jamais entendu parler, la "Maladie d'amour" d'Henri Salvador (et momentanément en 1969 de Mireille Mathieu) et non celle de Michel Sardou, rassurons-nous !  

Mais, alors, qui est donc cette dame en ouverture du billet ? Eh bien dites un grand bonjour à Léona Gabriel, qui en 1931 gravait sur disque pour la première fois cette chanson du folklore martiniquais, accompagnée par l'Orchestre de la Boule Blanche, le grand cabaret créole parisien des années 30. 




































Il y aurait au moins une belle histoire du dimanche à consacrer à la vague antillaise qui frappa Paris et particulièrement Montparnasse au début des années 30, après que les parisiens et donc la France (c'est ce qui s'écrit généralement) eurent découvert lors de l'exposition coloniale internationale de 1931 que dans les Antilles françaises, les autochtones portaient des vêtements colorés très joyeux et dansaient sur des rythmes irrésistibles.

Une rapide consultation du registre des night-clubs parisiens dans les années 30 montre qu'entre 1931 et 1933, 6 établissements répertoriés comme "dancing créoles" s'étaient ouverts, parmi lesquels "La Jungle", "Le Bal Nègre", "L'élan noir", "Le Tagada", "La Savane" et "La Boule Blanche", établissements mixtes qui introduisirent la biguine en France.

Originaire de  Martinique, élevée en Guyane, Léona Gabriel arrive en métropole au début des années 20 et connait assez vite un certain succès, se produisant à l'Olympia, à la "Boule Blanche " et à l'exposition de 31. Elle sera signée chez Polydor au début des années 30 et deviendra une figure de Montparnasse avant de suivre son nouvel époux au Sénégal et finalement retourner en Martinique où elle décédera en 1971 à l'âge de 80 ans.



Ainsi donc, ce n'est pas Henri Salvador qui a créé "Maladie d'amour", pas plus qu'il ne l'a composée, alors que c'est bien son nom qui figure dès lors qu'on cherche à connaitre le nom derrière paroles et musique de ce standard. 

En fait, connaissant un immense succès en 1948 avec cette chanson, qui est son premier 78 tours solo, il déposera à la Sacem une fiche où il figure comme "arrangeur" puis vaguement comme auteur, ce qui ne sera pas vraiment du goût de Léona qui chantait "Maladie d'amour" depuis 15 ans et l'avait de plus fait connaître au petit Henri dont elle était la tante. 

Terrible histoire de famille et menace de procès : Henri cédera et créditera Léona Gabriel dont il s'était plus ou moins accaparé la chanson, tout comme il menacera son frère aîné André d'un procès pour utilisation du nom "Salvador" craignant que ce dernier, jouissant d'une certaine réputation, lui fasse de l'ombre lorsque sa carrière solo décolla enfin. 




















"'Maladie d'amour" est une formidable chanson, Henri Salvador, par contre, n'était pas un homme formidable. Et vous savez ce qui tombe bien, c'est que c'est avec la première que nous allons passer la semaine. 

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