dimanche 9 juillet 2023

Les très suaves Heures de l'histoire contemporaine : le jour où Greta Garbo faillit être transparente !

 

Le 16 avril 2000 (pour ceux qui s'en souvienne, un dimanche, mais c'est totalement anecdotique), la communauté lesbienne américaine est encore plus en émoi qu'un jour de soldes monstres chez Brico Dépôt puisque serait enfin venu LE jour où allait être révélé officiellement au monde que la Divine, l'Unique, le Sphinx de Stockholm, Greta Garbo donc, était au pire bisexuelle, au mieux totalement homosexuelle. 

L'idée en elle-même n'était pas nouvelle. Dès la fin des années 20, des rumeurs circulaient sur le compte de Garbo, ses films le laissaient occasionnellement entendre et surtout la star ne fit rien, mais alors rien pour éloigner ces bruits de couloir. Elle refusa le mariage, même arrangé par la MGM, n'eut pas d'enfant, et à l'instar de son personnage dans "La Reine Christine", déclarait assez régulièrement, non seulement qu'elle voulait qu'on la laisse tranquille mais surtout qu'elle avait l'intention de finir ses jours en "vieux garçon". 

Si nous ajoutons à cela qu'elle aimait qu'on l'appelle Gustav et passa la deuxième moitié de sa vie dans l'anonymat, entourée de messieurs très gays et de dames très célibataires, nous ne pouvons que nous interroger sur la spécificité de ce 16 avril et de ce qu'il allait bien pouvoir offrir au monde en matière de révélation. 


 










La réponse se trouverait dans une boite (attention, celle que vous pouvez observer ci-dessus est contractuelle, il ne s'agit pas de LA boite), stockée depuis 40 ans dans les sous-sols du musée Rosenbach de Philadelphie, portant le numéro 23 et faisant partie des archives offertes au musée en 1960 par Mercedes de Acosta. 

A l'intérieur, soigneusement classés, se trouveraient des lettres, des cartes postales et des télégrammes envoyés par Garbo à celle qui jusqu'à sa mort en 1968 se présenta toujours comme le grand amour de la Divine. Mercedes avait déjà évoqué explicitement leur relation (et de multiples autres avec de multiples femmes célèbres dont Dietrich) dans son autobiographie publiée en 1960, "Here lies the heart", qui lui valut de se brouiller avec la quasi totalité de ses anciennes amies et Garbo elle-même. 

Mais jusque là, il était toujours possible de considérer de Acosta comme une affabulatrice, puisque rien ne pouvait confirmer que tout ce qu'elle racontait était véridique. Souvenons-nous qu'il fut un temps où les téléphones portables n'existaient pas : point de photos prise à la dérobée, point de paparazzi, point de scandale officiel. Mais si des lettres d'amour de la main de Greta se trouvaient bien dans la boite 23 comme on commençait à l'espérait, il allait bien falloir reconsidérer les dires de Mercedes. 


















































D'origine espagnole et prétendument noble (sa mère aurait été une cousine éloignée des ducs d'Albe), Mercedes de Acosta, qui vit le jour en 1892, passa une grande partie de sa vie à tenter d'être célèbre ce qu'elle ne parvint jamais à être totalement. 

Légèrement poétesse, à peine dramaturge, un peu romancière et parfois scénariste (elle possède une référence sur IMDB, le film "Raspoutine et l'impératrice" de 1932 en compagnie de 8 autres auteurs...), il n'est pas indécent d'écrire que ce ne sont pas ses talents littéraires qui lui permirent de laisser son nom dans l'histoire. Nous avons tenté la lecture de ses vers, croyez-nous, c'est impossible. 

C'est en fait sa vie tout court qui lui assure encore aujourd'hui d'être régulièrement mentionnée comme une figure importante de la vie sociale et culturelle américaine, puisque, bien que mariée en 1920, Mercedes de Acosta fit partie de la société lesbienne internationale, qui n'est pas une association de super héroïnes, quoi que, mais la preuve que dans les années 20 et 30, il était tout à fait possible pour le presque commun des mortels de citer au moins une dizaine de lesbiennes célèbres, quand dans les années 80 par exemple, on questionnait encore les goûts personnels de Martina Navratilova. 

























Il n'est pas absurde d'écrire que selon toute vraisemblance, les femmes apparues ci-dessus se connaissaient et se fréquentaient plus ou moins. Il est tout autant crédible d'affirmer que toutes eurent plus ou moins une aventure avec Mercedes de Acosta, un magnifique tableau de chasse auquel on peut ajouter les noms de Greta, évidemment, Marlène Dietrich, la scénariste Salka Viertel ou Isadora Duncan. Ce qui fit dire à Alice Toklas, compagne courageuse de Gertrude Stein au moment de la mort de Mercedes : "on peut dire ce qu'on veut de sa plume mais reconnaissons qu'elle a couché avec les femmes les plus importantes du XXe siècle !"

Pour ce qui est de Garbo, les deux femmes firent connaissance en 1931 lors d'une soirée chez Salka Viertel, amie intime de la star pour laquelle elle écrira de nombreux scripts dont celui de "La femme aux deux visages", après lequel Garbo abandonnera le cinéma tout en restant amie avec Viertel, ce qui prouve qu'elle n'était finalement pas rancunière. 

Nous ne possédons de cette rencontre que ce que Mercedes en raconta et selon ses dires, le coup de foudre fut immédiat. S'en suivirent 6 semaines d'idylle sur une île sauvage du Nevada, les deux femmes, seules et monde, nues et amoureuses. Les spécialistes de Garbo sont plus circonspects : en 1931, Garbo n'eut de la MGM que 2 semaines de congés puisqu'elle enchaîna 5 films dont "Mata Hari" et "Grand Hôtel".  Quoi qu'il en soit, une chose est certaine : la passion de survécut pas à 1932, toujours selon de Acosta. 







































































S'il existe de nombreuses photos de Mercedes de Acosta en compagnie de ses amies célèbres, comme ci-dessus avec Marlène Dietrich, il n'en existe qu'une, et pas des plus réussies d'elle et Garbo. Mais personne n'ignore la haine qui animait Greta à l'encontre de la presse. Garbo contrôlait tout et tenait de façon tyrannique au respect de sa vie privée. Voilà pourquoi prendre un cliché d'elle devint un sport national lorsqu'elle se retira de la vie publique et établit ses quartiers à New York à partir des années 50 jusqu'à sa mort en 1990. 

La surprise vient en fait de la série de photos de Garbo torse nu, prise par de Acosta lors de leur escapade amoureuse et dont personne ne sait vraiment pas quels mystères elle quitta les archives personnelles de Mercedes. Et voilà précisément la raison pour laquelle Garbo prit ses distances avec la poétesse : son incapacité supposée à garder sa langue et à ne pas céder à la tentation de raconter dans le détail ses frasques saphiques. 

De 1932 à 1968, Mercedes de Acosta n'aura de cesse de courir après Garbo, afin de lui prouver que si elles n'étaient plus amantes, elles pouvaient au moins être les meilleures amies du monde. Et de 1932 à 1968, Greta Garbo n'aura de cesse de fuir Mercedes, la décourageant par tous les moyens possibles de s'accrocher à une hypothétique relation qui n'était en fait, pour la star, qu'un lointain souvenir pratiquement oublié. 



 



















C'est du moins ce que révéla l'ouverture de la fameuse boite 23 le 16 avril 2000, soit 10 ans et un jour après le décès de Garbo, condition stipulée par de Acosta lorsqu'elle vendit ses archives au musée Rosenbach. Evidemment Mercedes n'était plus là, morte dans l'anonymat, la misère et d'un cancer en 1968, mais la presse, elle, était présente, ainsi que les héritiers Garbo en la présence de sa nièce et légataire universelle : Gray Reisfield. 

Car c'est dans des conditions particulières que furent présentés les écrits de Garbo à Mercedes, avant d'être exposés pendant un temps limité au musée, Gray Reinsfield et ses avocats ayant été très clairs : les documents seraient d'abord lus par le clan Garbo avant toute divulgation publique, un droit de regard serait exercé car si le musée était bien propriétaire des lettres, les héritiers Garbo étaient eux, propriétaires de leur contenu. Adieu donc l'idée d'un livre consacré à la correspondance de Garbo : un interdiction formelle de toute publication et même de consultation ultérieure des documents ayant été promulguée.

Le 16 avril, on découvrit donc quelques unes des missives signées de la grande Greta à la petite Mercedes, choisies avec soin par Gray Reinsfield. Pas une seule ne faisait allusion à une éventuelle relation entre les deux femmes, autre qu'amicale, et encore. Dans la plupart de ses lettres, Garbo demandait à de Acosta d'arrêter de l'appeler au téléphone, de sonner chez elle sans prévenir et surtout de parler d'elle avec ses amies. Dans une seule lettre, elle lui demandait de lui faire quelques courses et dans une autre, lui donnait des conseils quand au choix de ses sous-vêtements. Et c'est tout. 



    















Gray Reinsfield, qui veilla sur sa tante jusqu'à son dernier souffle et s'assura que la réputation de celle-ci resta intacte et fidèle à son désir de ne rien dire sur rien, fit remettre les lettres dans la boite 23, qui rejoignit les autres boites du leg de Acosta. Les héritiers Garbo refusent toujours à quiconque de consulter ces archives, même dans le cadre d'une thèse ou d'un projet de biographie de la star. La légende doit rester intacte.  

Et c'est forcément très agaçant, surtout lorsqu'on apprend que seul 1/5 des lettres de Garbo à Mercedes fut dévoilé au public, 55 lettres pour être précis supposées être totalement représentatives du reste des archives. Mais est-ce la vérité ? Et pourquoi par exemple ces trous béants chronologiques dans la correspondance des deux femmes ? 

Suaves visiteurs, vous n'ignorez pas plus que nous que patience et longueur de temps font plus que force ni que rage. Gray Reinsfeld, le cerbère de sa tante est décédée en 2017 à l'âge de 85 ans. Ce sont désormais ses fils qui gèrent l'héritage Garbo et de toute évidence, les choses sont un peu moins éthiques que du temps de leur chère maman. Aux dernières nouvelles, l'un attaquait l'autre en justice pour s'être approprié grâce à de faux documents l'Oscar d'honneur remis à l'actrice pour l'ensemble de sa carrière en 1954. D'ici à ce qu'un des deux décide de vendre les lettres de grand-tata... Wait and see...


 
 

4 commentaires:

  1. Jérôme (moins anonyme)10 juillet 2023 à 16:45

    Much ado about nothing

    RépondreSupprimer
  2. Les choses sont un peu moins étiques...vous voulez dire que c'est la fin des vaches maigres ? :)))
    Pardon, je suis taquin !

    RépondreSupprimer
  3. Pouvons-nous ne répondre que Gna Gna Gna ? :)

    RépondreSupprimer
  4. Ne changez rien, surtout, c'est comme ça qu'on vous aime ! ;)

    RépondreSupprimer