dimanche 9 septembre 2012

Les très suaves heures de l'histoire contemporaine : le jour où un micro-slip changea la vie d'un homme.


En 1971, un micro-slip va changer la vie d'un homme puis de millions (soyons généreux) de messieurs à travers, tout d'abord les Etats-Unis, puis le reste de la planète. Rédacteur dans une agence de publicité de Milwaukee, Gene Burkard sent qu'il manque un sens à sa vie jusqu'à ce qu'il soit amené à travailler sur le lancement d'un sous-vêtement simple mais confortable, dont le principal défaut est que personne n'en veut.

Les grands déclics tiennent parfois à peu de chose : Gene Burkard voit dans cette petite chose en coton l'avenir du slip pour l'homme qui tient à la fois à son confort et à un certain sens de l'esthétisme. Il démissionne, achète les droits du produit et décide de s'occuper personnellement de son lancement.


Parce qu'il est... différent des slips pour homme alors disponibles, Gene comprend que le "Jock sock" puisque tel est son nom, s'adresse à des hommes justement différents. Lancé au départ dans le journal gay "The advocate" avec un certain succès, le micro-slip révolutionnaire va bientôt se retrouver dans des publications aussi variées que "Esquire", "Penthouse", "Playboy" ou le "Los Angeles time", devenant par la même occasion le premier article ouvertement suave vendu dans la presse non spécialisée.

L'histoire dès lors est en marche : 3 ans après son lancement, le "Jock Sock" est sur tous les fessiers des messiers qui préfèrent les messieurs. On le porte dans l'intimité, à la plage ou en soirées pour les plus audacieux. Rassemblant l'argent gagné en finalement si peu de temps, Gene Burkard achète une quarantaine de machines à coudre, un atelier à San Diego qui fera également office de point de vente et lance sa société. Elle s'appellera International Male et va s'agrandir à la vitesse du cheval au galop.



Dès son lancement en 1975, la marque International Male, qui propose au départ à peine une vingtaine d'articles, va se distinguer en créant des pièces de vêtement que nous qualifierions de surprenantes et que personne ne pouvait imaginer avoir un jour envie de porter. Le monde vivait depuis des siècles sans short de tennis à zip, sans débardeur ouvert jusqu'au nombril, sans shorty réhaussant subtilement les fesses. Le monde ne savait pas ce qu'il perdait.




A partir de 1978, fière de trois boutiques en Californie, la société International Male va lancer un catalogue tout couleur qui va rapidement passer de deux à quatre parutions annuelles. International Male suit les saisons, agrandit sa gamme et adopte une philosophie : de la subtilité avant tout, dans la mise en page et les photographies.

Le mannequin International Male, s'il est bien bâti, est un peu plus cambré que la moyenne, il ne boutonne jamais plus d'un bouton et vit de toute évidence une relation harmonieuse avec son corps et la nature. Il n'a peur, ni de la salopette fuchsia, ni de la chemise de corsaire. Il est romantique en velours et sauvage en daim. Il est l'homme. L'homme international.






S'il devient rapidement évident que plus de la moitié des clients de International Male commande le catalogue pour les photos plus que pour les vêtements, leçon que retiendra Abercrombie & Fitch dans les années 90, une question demeure, pratiquement, d'ailleurs, sous la forme d'une affirmation : cela veut donc dire que l'autre moitié achète !

Comme il est cependant rare de croiser dans la rue (on s'en souviendrait) des gens portant, vraiment, du International Male, le soupçon d'une dimension parallèle commence alors à germer, un monde dans lequel il serait normal d'aller faire ses courses en body résille ou d'animer la réunion chiffres du lundi matin en chemise satinée argent, avec cravate coordonnée.


Pendant presque 30 ans, International Male va inonder les boites aux lettres de son catalogue qu'on collectionne, qu'on découpe, qu'on feuillette d'une main pour les plus adroits, et dans lequel on commence à repérer quelques visages. Pendant trois ans, le futur "Esprit Criminel" Shemar Moore par exemple, prêtera sa plastique aux créations toujours de bon goût de la marque, référence qui sera "oubliée" dans son curriculum, de même que ses extra au siège de la société comme opérateur téléphonique des ventes.

Shemar Moore nous cache donc des choses et ce ne sont pas ses muscles abdominaux.




Sans doute afin de se concentrer sur sa ligne de vêtements, International Male créera dans les années 90 une filiale spécialisée dans les sous-vêtements, "Undergear", qui va finalement précipiter sa chute. Privé de slip fendu et de caleçon transparent, International Male perd de son charme. En 2009, vendue à un groupe du New Jersey, la décision est prise de regrouper les activités de la marque sous un seul nom. "Undergear" l'emporte haut la main. International male disparaît.

Il est un peu douloureux de contempler le site désormais vide de InternationalMale.com et nous sommes certains qu'une certaine nostalgie envahie le coeur de ceux qui ont grandi en rêvant, un jour, de porter un body leopard. Il reste bien sûr des body sur "Undergear" ce qui est une petite consolation mais il demeure surtout la même question insoluble : qui achète ? Mystère bien plus suave que celui de la chambre d'Horus, si vous voulez notre avis.



Et si "Undergear" vous dit vaguement quelque chose, c'est peut-être en raison du post que nous avions consacré à ce temple de l'élégance ici-même...

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